Le quotidien britannique The Guardian a vigoureusement nié jeudi être à l'origine de la diffusion sur l'internet de la version intégrale -non expurgée des noms- des dépêches diplomatiques américaines obtenues par le site WikiLeaks.

Signe de la dégradation depuis plusieurs mois des liens autrefois cordiaux entre le site et le journal, WikiLeaks a accusé jeudi un journaliste du quotidien d'avoir, en révélant un mot de passe qui aurait dû rester secret, permis l'accès à la version intégrale des 251 000 dépêches diplomatiques américaines.

WikiLeaks avait obtenu à l'automne 2010 ces documents secrets et les avait donnés en exclusivité à quelques journaux dans le monde, dont le Guardian, qui devaient les publier sous une forme permettant de protéger les sources.

«Un journaliste du Guardian, dans un acte de négligence ou de malveillance dont personne ne s'est rendu compte sur le moment, a révélé le mot de passe vers le dossier d'origine où les documents figurent en intégralité», a déclaré le site dans un communiqué.

«Nous avons contacté le département d'État américain et entamé les préliminaires d'une action en justice. Nous publierons une déclaration officielle ultérieurement», ajoute le communiqué publié sur Twitter.

«Le journal rejette totalement toute allégation selon laquelle il serait responsable de la diffusion des dépêches non expurgées», a contre-attaqué le Guardian dans un communiqué jeudi, accusant à son tour le site internet.

«Le Guardian appelle Wikileaks à cesser son projet de diffuser les dépêches diplomatiques dans leur version intégrale», ce qui serait «irresponsable», a indiqué le journal.

Le Guardian reconnaît avoir publié un mot de passe dans son livre sur WikiLeaks publié en février, mais souligne que celui-ci était censé n'être valable que quelques heures: «Il avait été dit au Guardian que le dossier auquel il avait eu accès en juillet 2010 serait disponible sur un serveur sécurisé pendant seulement quelques heures puis retiré».

«Il semble que deux versions de ce dossier ont ensuite été envoyées sur un réseau de partage de fichiers utilisant le même mot de passe», souligne le Guardian.

Selon le quotidien, une des versions a été introduite sur le réseau par WikiLeaks le 7 décembre, quelques heures avant l'arrestation de son fondateur Julian Assange à Londres dans une affaire d'agression sexuelle en Suède.

L'autre version, publiée mercredi sur la toile, «n'est pas celle à laquelle nous avons eu accès l'an dernier», assure le Guardian.

Le journal note par ailleurs que WikiLeaks n'avait formulé aucune inquiétude lors de la parution de son livre, ni pendant les 7 mois qui ont suivi.

Selon lui, le lien vers le dossier intégral a été publié par un anonyme sur Twitter, qui l'avait trouvé grâce à des indices donnés par plusieurs médias et par les informations diffusées sur Twitter par WikiLeaks.

Le Guardian fait partie des 5 médias associés à la publication des dépêches par WikiLeaks, avec le New York Times, Der Spiegel (Allemagne), Le Monde (France) et El Pais (Espagne).

Jeudi, le département d'État américain a indiqué dans un communiqué avoir été informé à l'avance par WikiLeaks de la «diffusion imminente d'informations et de son intention de continuer à publier des documents classifiés» et avoir souligné «le risque posé pour les individus et la sécurité nationale».

«Wikileaks a ignoré nos demandes», indique le département d'État, évoquant l'attitude «irresponsable» du site.