Julian Assange, arrêté mardi à Londres, se veut prophète de la transparence absolue avec son site Wikileaks mais il entretient sur sa propre vie de nombreuses zones d'ombre.

Fondateur, porte-parole et figure emblématique du site spécialisé dans les fuites de documents confidentiels, cet Australien de 39 ans, quasi-inconnu au début de l'année, est devenu en quelques mois une des personnes les plus en vue de la planète, seul visage connu de la machine à scoops WikiLeaks.

«Nous voulons trois choses: libérer la presse, révéler les abus et sauvegarder les documents qui font l'Histoire», avait-il expliqué en août à l'AFP, en marge d'une de ses rares apparitions publiques.

Il est devenu celui qui fait trembler le Pentagone, celui qui perce les secrets les mieux gardés... mais est resté un homme énigmatique. Il refusait même récemment - précaution parmi tant d'autres - de donner la date exacte de sa naissance. Mais elle vient d'être diffusée par Interpol sur son avis de recherche international pour «crime sexuel» lancé à toute la planète: 3 juillet 1971.

«Nous faisons face à des organisations qui n'obéissent pas aux règles. Nous sommes face à des agences de renseignement», dit celui qui voit WikiLeaks comme «l'agence de renseignement du peuple» aux sources dissimulées dans un labyrinthe de serveurs.

Né dans le nord-est de l'Australie, Julian Assange passe une enfance nomade qui lui vaut de fréquenter 37 écoles, comme il l'a raconté à des médias australiens.

Adolescent à Melbourne, il se découvre un talent de pirate informatique. Mais la police l'appréhende et il s'en tire, en plaidant coupable, avec une amende et un serment de bonne conduite.

Le hacker repenti devient conseiller en sécurité, entrepreneur, consultant en technologie, chercheur en journalisme..., énumère Assange.

Il fonde WikiLeaks fin 2006 avec «une dizaine de personnes venant du milieu des droits de l'homme, des médias et de la haute technologie».

Si le site commence à se faire connaître en publiant ses premiers scoops, Assange n'accède lui à la notoriété internationale que cette année, avec trois «mégafuites».

Les 250 000 documents diplomatiques américains dont la publication a débuté dimanche 28 novembre viennent s'ajouter à la masse des publications de centaines de milliers de documents classés de l'armée américaine sur les guerres d'Afghanistan et d'Irak.

À la tête de WikiLeaks, Assange mène une vie digne d'un roman d'espionnage, sautant de pays en pays, logeant chez des partisans ou des amis d'amis, refusant de dire d'où il vient et où il va, changeant ses nombreux téléphones dont il délivre les numéros au compte-gouttes.

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Grand, mince, le sourire volontiers ironique, il pèse chaque mot d'une voix lente et monocorde, parfois difficilement audible.

Il a coupé ses cheveux jadis longs et blonds platine qui confortaient son image mi-dandy, mi-agent secret.

A la fin de l'été, les ennuis se multiplient: lors d'un passage en Suède, deux jeunes femmes l'accusent de viol et d'agression sexuelle.

Mi-novembre, la Suède qui lui a déjà refusé un permis de résidence lance un mandat d'arrêt international pour l'interroger.

Les remous viennent aussi de l'intérieur de WikiLeaks: un porte-parole allemand de l'organisation, Daniel Domscheit-Berg, a bruyamment claqué la porte fin septembre en dénonçant «l'autoritarisme» d'Assange qui s'est également brouillé avec un autre soutien, la députée islandaise Birgitta Jonsdottir.

Il fait également face à des accusations d'«irresponsabilité», certaines «fuites» pouvant mettre en danger des vies humaines.

«Nous n'avons pas pour but que des gens innocents soient blessés», s'est-il défendu fin septembre à Londres, en expliquant seulement chercher «la vérité».

Traqué mais toujours provocateur: peu avant son arrestation, il invitait même le président Barack Obama à démissionner s'il a couvert l'espionnage de l'ONU par les diplomates américains.