Un ou des tireurs étaient activement recherchés jeudi à Ferguson, ville du centre des États-Unis qui a connu un regain de tension dans la nuit, après que deux policiers ont été blessés à la fin d'une manifestation antiraciste.

Les deux policiers, âgés de 41 et 32 ans, sont «grièvement» blessés, mais conscients. Ils travaillent respectivement depuis 14 ans pour la police du comté et depuis 7 ans pour la police de Webster Groves, une ville située comme Ferguson dans la banlieue de St. Louis.

La police prise en «embuscade» 

La police a été victime d'une «véritable embuscade. On ne pouvait pas la voir venir», a accusé jeudi devant la presse le chef de la police du comté de St-Louis, Jon Belmar, après les tirs provenant «d'arme de poing» dans la nuit contre les policiers.

Le ou les auteurs des tirs étaient toujours recherchés et le ou les retrouver «est notre priorité numéro un», a-t-il ajouté.

La ville de Ferguson, théâtre de manifestations depuis qu'un jeune Noir a été tué le 9 août 2014 par un policier blanc, a connu mercredi soir un regain de tension lorsque quelque 150 manifestants se sont rassemblés devant les locaux de la police.

Les manifestants entendaient saluer la démission quelques heures plus tôt de Thomas Jackson, le chef de la police de Ferguson qui avait été accusée il y a une semaine, dans un rapport accablant du ministère de la Justice, de pratiques racistes quasiment routinières.

Alors que la manifestation se dispersait vers minuit, «trois ou quatre tirs» ont été lancés, à environ 150 mètres de distance, contre la ligne des quelque 40 policiers toujours stationnés devant le poste de police, a raconté M. Belmar.

Les deux blessés ont depuis quitté l'hôpital, selon les médias locaux.

«Grâce à Dieu, nous ne déplorons pas la mort de deux policiers la nuit dernière», a ajouté le chef policier en insistant à de nombreuses reprises sur le fait qu'il était «très difficile» d'assurer le maintien de l'ordre tout en protégeant le droit de chacun de manifester.

«J'espère que chacun comprend ça, nous marchons sur des oeufs», a-t-il dit.

«C'est toujours très difficile de s'en prévenir quand on est face à des manifestants», a-t-il ajouté.

Ferguson a vécu l'an dernier des semaines de manifestations et d'émeutes après la mort le 12 août d'un jeune Noir de 18 ans, Michael Brown, tué de 12 balles par le policier Darren Wilson, 28 ans, qui a depuis quitté la police sans être poursuivi.

Mercredi, le chef de la police locale, Thomas Jackson, avait annoncé sa démission après la publication d'un rapport accablant du ministère de la Justice qui détaillait les pratiques racistes de la police et de la municipalité de Ferguson, une ville de 21 000 habitants à majorité noirs, mais dont les responsables sont blancs.

Cette annonce n'a pas suffi à calmer les esprits. Quelques heures plus tard, une soixantaine de personnes s'étaient rassemblées pour protester devant le commissariat. «No justice, no peace» (pas de justice, pas de paix) pouvait-on lire sur une pancarte, d'après les images de la chaîne Fox.

Selon John Belmar, les manifestants étaient en train de se disperser quand au moins trois coups de feu ont été tirés. Leur provenance n'a pas été clairement déterminée.

«Parce que c'était des policiers»

«Les deux policiers se trouvaient là lorsqu'on leur a tiré dessus. Simplement parce que c'était des policiers», a-t-il déclaré.

«Les balles me sont passées juste au-dessus de la tête. C'était traumatisant, je suis toujours un peu sous le choc», a témoigné Bradley Rayford, un jeune manifestant noir.

Selon un autre témoin, Markus Roehrer, l'ambiance était tendue. M. Roehrer a d'abord cru, en entendant les coups de feu, qu'il s'agissait de pétards. Mais «quand j'ai vu les policiers tomber, je me suis dit que c'était bien pire», a-t-il raconté sur CNN.

Dans une vidéo amateur diffusée par CNN, on entend des tirs et on voit les gens fuir, paniqués. On peut aussi entendre un gémissement, puis on voit des policiers s'affaisser.

Selon M. Roehrer, les coups de feu provenaient d'une certaine distance derrière les manifestants. «Leur mettre ça sur le dos serait totalement injuste», a-t-il encore déclaré à CNN.

La démission du chef de la police de Ferguson, réclamée par de nombreux militants des droits civiques, est intervenue une semaine après la publication d'un rapport accablant du ministère de la Justice.

Une enquête fédérale avait été lancée après la mort de Michael Brown. Un premier rapport avait conclu que cette enquête ne montrait pas «de comportement susceptible de poursuite judiciaire» du policier, déjà exonéré de poursuites au pénal par un jury local.

Mais un second rapport, dévastateur, s'était penché sur les pratiques policières au quotidien dans la ville, montrant, chiffres à l'appui, l'inégalité de traitement réservée aux Noirs.

Il pointait un système violant parfois la légalité, où la police «sous pression de la municipalité, n'était plus un service public, mais un outil pour gagner de l'argent» en générant toujours plus d'amendes, les Noirs là encore étant principalement les victimes.

Des courriers racistes étaient également échangés entre policiers ou employés de la ville.

Le chef de la police de Ferguson, Thomas Jackson, est la cinquième personne à quitter ses fonctions dans l'onde de choc de ce rapport. Le juge municipal Ronald Brockmeyer et le secrétaire général de la ville John Shaw ont aussi démissionné.

Le maire de Ferguson, James Knowles, toujours en fonction et dont certains manifestants mercredi soir réclamaient la démission, a promis des réformes radicales.

Après la publication du rapport, la famille avait annoncé qu'elle allait porter plainte au civil contre Darren Wilson et la municipalité pour «mort injustifiée».

Barack Obama, premier président noir des États-Unis, a estimé la semaine dernière que ce qui se passait à Ferguson n'est pas «typique de ce qui se passe dans le pays, mais ce n'est pas un incident isolé».

Une attaque «inexcusable» 

Le ministre de la Justice Eric Holder a pour sa part condamné jeudi cette «attaque haineuse» qu'il a qualifiée d'«inexcusable et répugnante».

«Je condamne la violence contre ceux qui protègent la communauté dans les termes les plus forts», a-t-il indiqué dans un communiqué de presse, citant également les morts récentes de policiers à Philadelphie (est) et en Louisiane (sud).