La nuit s'annonçait calme mercredi soir à Ferguson, à la veille de Thanksgiving, fête familiale très respectée aux États-Unis, après la relaxe d'un policier responsable de la mort d'un jeune Noir qui a provoqué des manifestations dans tout le pays et jusqu'à Londres.

Une poignée de personnes seulement battaient le pavé en début de soirée près du commissariat de police de la petite ville du Missouri, un nombre bien inférieur à celui des militaires de la Garde nationale, venus en renfort avec des véhicules Humvee, a constaté l'AFP.

«Beaucoup de forces de l'ordre travailleront pendant le pont (de Thanksgiving) pour protéger les vies et les biens», a prévenu mercredi le gouverneur du Missouri, Jay Nixon, qui s'est félicité d'une accalmie la nuit précédente grâce au quadrillage de la ville par 2200 gardes nationaux.

Le froid et la neige tombée sur Ferguson pourraient aussi décourager les manifestants, qui protestent depuis lundi contre la décision d'un jury populaire de ne pas poursuivre le policier Darren Wilson, qui a abattu le 9 août un jeune Noir, Michael Brown.

Leur colère a résonné jusqu'à Londres mercredi, où des milliers de personnes ont manifesté devant l'ambassade des États-Unis, en reprenant des slogans entendus à Ferguson: «La vie des Noirs compte» ou «Hands up, don't shoot» (mains en l'air, ne tirez pas).

A la veille du repas traditionnel de Thanksgiving, qui réunit les familles américaines chaque année le quatrième jeudi de novembre, les parents de Michael Brown sont venus à New York prier avec les familles de deux Noirs récemment tués par la police.

Ils ont rejoint l'épouse et la mère d'Eric Garner, un père de famille de 43 ans mort à Staten Island en juillet lors d'une interpellation musclée. Etait également présente la compagne d'Akai Gurley, un Noir de 28 ans tué par accident la semaine dernière dans la cage d'escalier obscure d'une HLM de Brooklyn par un policier débutant.

Ravivant le drame de Ferguson, un autre garçon Noir âgé de 12 ans a été tué samedi à Cleveland (Ohio, nord) par un policier, alors qu'il s'amusait avec une arme factice. L'agent lui a tiré dessus quelques secondes après son arrivée, a révélé une vidéo accablante diffusée mercredi par la police.

Journée de protestation samedi 

Le seul incident de la journée s'est produit à Saint-Louis, dont Ferguson est une banlieue, quand la police a dispersé des manifestants qui voulaient pénétrer dans la mairie et ont interpellé trois personnes, selon la police.

La police du comté de St Louis a indiqué par ailleurs qu'elle recherchait un fusil d'assaut AR-15 dérobé dans un de ses véhicules lors de manifestations lundi, selon la presse locale.

Craignant des émeutes comme celles de lundi soir, des hommes ont barricadé mercredi matin les fenêtres d'un garage de voitures situé non loin du commissariat. «Ce matin je me suis réveillé et j'ai vu que toutes les fenêtres (du magasin) étaient cassées», a raconté John Adams, l'un des employés.

Le ressentiment des habitants de Ferguson a été relayé mercredi par plusieurs célébrités, dont le magnat du hip-hop Russell Simmons, qui se sont jointes à un appel au boycott du «Black Friday», journée annuelle de soldes dans les magasins le lendemain de Thanksgiving, pour protester contre la relaxe du policier.

Mardi soir, des milliers de personnes avaient manifesté dans 170 villes des États-Unis pour réclamer justice pour Michael Brown.

Ces défilés ont été globalement pacifiques mais la police de Los Angeles a arrêté plus de 180 personnes qui avaient notamment bloqué une autoroute. Une dizaine de personnes ont aussi été arrêtées à New York.

Les manifestions pourraient toutefois reprendre après Thanksgiving. Le populaire militant des droits civiques Al Sharpton a appelé à une journée de protestation dans tout le pays samedi.

La colère des manifestants a été encore attisée par les premières interviews données par le policier. Darren Wilson, qui affirme avoir été attaqué par la victime, dit avoir la «conscience tranquille» et avoir simplement fait son travail.

Une version des faits que les parents de la victime contestent. «Tout d'abord, mon fils respectait les forces de police. Et ensuite, quelle personne saine d'esprit oserait se ruer sur un agent de police qui a son arme en main?», a martelé sur la chaîne NBC Michael Brown Sr. «Je n'en crois pas un mot. (...) Il n'aurait jamais fait ça», a assuré sa mère Lesley McSpadden. «Il courait pour sa vie», a-t-elle ajouté sur PBS.