Des milliers de fidèles ont rendu hommage lundi à Saint-Louis (Missouri), dans le calme et l'émotion, au jeune Noir américain Michael Brown, dont la mort sous les balles d'un policier blanc a réveillé le spectre du racisme aux États-Unis.

Entourée de nombreuses personnalités de couleur, la famille du jeune homme, dont le visage poupin s'affichait sur des portraits géants, avait demandé de faire taire la polémique et les rancoeurs pour dire un dernier adieu au jeune Michael, tué le 9 août dans la petite ville de Ferguson.

Alors que les enfants ont retrouvé le chemin de l'école dans cette banlieue de Saint-Louis après dix jours d'émeutes raciales, les funérailles du jeune homme de 18 ans ont résonné au rythme des voix et des clappements des cantiques Gospel, dans l'église bondée de Friendly Temple, qui peut accueillir 5000 fidèles.

La foule était telle qu'une salle supplémentaire de 2500 places a également été remplie, tandis que nombre de journalistes et de caméras couvraient l'événement, sous une chaleur étouffante dépassant les 40 degrés.

Michael Brown avait été abattu en pleine journée alors qu'il n'était pas armé par un policier blanc de 28 ans, Darren Wilson. Le garçon, qui était sur le point de commencer des études supérieures, a été tué une vingtaine de minutes après être sorti d'un magasin de spiritueux où il est accusé d'avoir volé une boîte de cigares.

Après les violents affrontements qui ont suivi, entre la population noire en colère et des forces de l'ordre usant de fusils d'assaut et de véhicules blindés, le père de Michael Brown avait appelé à une «journée de silence». «Je veux que ce soit paisible», avait-il plaidé.

Le gouverneur du Missouri Jay Nixon avait aussi accédé à une demande de la famille en n'assistant pas à la cérémonie.

«Pas un demi-citoyen»

«Les parents de Michael Brown sont reconnaissants pour le déferlement de soutiens et l'attention nationale que la mort injuste de leur fils a engendrés», a déclaré leur avocat Benjamin Crump.

«Ils promettent qu'ils utiliseront cette énergie pour un réel changement, pas seulement à Ferguson, mais dans chaque ville des États-Unis», a-t-il ajouté. Car Michael Brown «n'était pas un demi-citoyen, c'était un citoyen américain. Et nous croyons au précepte que tous les hommes sont créés égaux».

Parmi les nombreuses personnalités présentes aux obsèques figuraient le révérend Jesse Jackson, le rappeur Snoop Dogg, Martin Luther King III, ou encore le réalisateur Spike Lee.

«Il ne s'agit pas de vous. Il s'agit de justice. Il s'agit d'équité. Et l'Amérique doit accepter qu'il y a quelque chose qui cloche», a scandé le leader des droits civiques Al Sharpton, acclamé par des fidèles passionnés.

Les versions diffèrent sur la mort de Michael Brown. Pour les uns, le garçon aurait tenté de se saisir de l'arme du policier qui l'a abattu. Pour d'autres témoins, dont l'ami de Michael Brown qui l'accompagnait, il avait les mains en l'air.

Selon les autopsies diligentées par la famille et le ministère américain de la Justice, le jeune homme a été atteint d'au moins six balles.

«Nous devons avoir une conversation», a déclaré à l'AFP Jane Brandon Brown, ambassadrice des God international ministries, un réseau de pasteurs. «Nous devons parler des tensions raciales et ensuite de la manière de les éradiquer». «La mort de Michael n'aura pas été vaine, elle ne sera pas utilisée comme une propagande, mais comme un outil pour ramener l'unité».

Le capitaine de police noir Ron Johnson, qui a géré les émeutes de Ferguson, était également présent, ainsi que les mères de récentes victimes de bavures supposées racistes, comme celles de Sean Bell tué par la police en 2006 à New York, ou de Trayvon Martin abattu par un vigile de quartier en 2012 en Floride.

Les mères de famille ont entouré celle de Michael Brown en larmes, alors que le cercueil du jeune défunt était emporté dans un long convoi funéraire vers le cimetière St. Peters de Saint-Louis.

La mort du jeune Noir avait déclenché des émeutes, sans précédent au cours de ces dernières années, qui s'étaient soldées par une soixantaine d'interpellations, et avaient réveillé des tensions raciales latentes aux États-Unis.

«Les mains en l'air, ne tirez pas» était devenu le slogan des manifestants noirs de Ferguson qui réclament une enquête transparente et juste.

Un grand jury du comté de Saint-Louis a été chargé de décider s'il y a lieu de poursuivre le policier de 28 ans, pour l'heure mis en congé forcé et qui a obtenu aussi des manifestations de soutien ces derniers jours.

PHOTO RICHARD PERRY, AFP

La mère de Michael Brown, Lesley McSpadden, pendant la cérémonie.