Le ministre américain de la Justice Eric Holder a promis à la population de Ferguson, au Missouri, de faire toute la lumière sur la mort d'un jeune Noir, abattu par un policier blanc, ce qui a provoqué des émeutes depuis dix jours.

Le ministre, lui-même d'origine afro-américaine, doit se rendre sur place à la demande du président Barack Obama. Il a fait la «promesse» à la veille de sa visite mercredi que l'enquête «sera complète, sera équitable, et sera indépendante». Mais elle «prendra du temps».

«Pour commencer le processus de réconciliation, les actes de violences doivent avant tout cesser dans les rues de Ferguson», a-t-il plaidé, estimant que les actes d'une minorité d'individus étrangers à Ferguson «affectent gravement, plutôt qu'ils ne la font avancer, la cause de la justice».

La tension restait vive mardi dans cette ville de la banlieue de Saint-Louis. La colère des habitants a été attisée dans les premiers jours par les réticences de la police locale à révéler l'identité du policier incriminé et le manque de transparence.

Depuis la mort le 9 août de Michael Brown, un jeune Noir de 18 ans abattu par Darren Wilson, un policier blanc de 28 ans, Ferguson est en proie à des émeutes et est devenue le symbole des tensions raciales qui persistent dans la société américaine.

Des témoignages d'habitants d'origine afro-américaine soulignaient l'acharnement dont faisait preuve, selon eux, la police à leur égard: «On n'a rien sur nous mais ils continuent à nous arrêter régulièrement. J'ai été battu une fois, et emmené au poste de police de Saint-Louis. J'en ai marre de la brutalité policière», a ainsi déclaré à l'AFP un habitant de Ferguson, Allen Frazier.

Les avocats de la famille de Michael Brown ont précisé mardi que ses funérailles auront lieu lundi prochain, seront «publiques» et se dérouleront sous l'égide de «leaders nationaux» non encore identifiés.

Après le décès de Michael Brown, pas moins de trois autopsies ont été demandées, par les autorités locales, la famille et le ministre de la Justice, pour tenter de faire la lumière sur les circonstances de la mort du jeune homme.

Les versions de la police et de plusieurs témoins divergent. Pour les uns, Michael Brown aurait tenté de se saisir de l'arme du policier qui l'a abattu. Pour plusieurs témoins, dont l'ami de Michael Brown qui l'accompagnait, il avait les mains en l'air.

Dimension nationale

Les résultats de l'autopsie demandée par la famille, rendus publics lundi, ont conclu que le jeune homme avait été atteint d'au moins six balles. Selon le Los Angeles Times mardi, les résultats de la deuxième autopsie, requise au niveau fédéral, font aussi état de six blessures par balle.

La mort de Michael Brown a pris une dimension nationale et fait la Une car elle a ravivé le spectre des émeutes raciales aux États-Unis.

Tout en souhaitant rester «prudent» sur le dossier tant que l'enquête est en cours, Barack Obama, premier président noir des États-Unis, a évoqué les inégalités raciales dans le pays et les communautés «qui se retrouvent souvent isolées, sans espoir et sans perspectives économiques».

M. Obama a dit lors d'une conférence de presse avoir recommandé au gouverneur du Missouri une utilisation «limitée» de la Garde nationale, arrivée lundi sur place, et a estimé que rien n'excusait «l'utilisation de la force excessive par la police locale».

Pour «établir un nouveau dialogue», le maire de la ville James Knowles a annoncé mardi une série de mesures, dont le soutien aux programmes qui favorisent le recrutement de Noirs au sein de la police.

Sur la cinquantaine de policiers de la ville, dont la population est Noire à 67%, seulement trois sont afro-américains.

Un porte-parole du procureur du comté de Saint-Louis a indiqué aux médias qu'un grand jury, chargé de décider s'il y a lieu de poursuivre le policier, devrait étudier l'affaire ce mercredi.

La nuit de lundi à mardi avait été tendue et marquée par six blessés par balle et 31 arrestations. Quatre agents ont été blessés, a indiqué Ron Johnson, responsable du maintien de l'ordre.

Des militaires de la Garde nationale avaient été déployés pour épauler la police locale, mais ils sont restés discrets.

Le gouverneur Jay Nixon a insisté sur la mission «limitée» des militaires, censés monter la garde autour du quartier général de la police.