Les difficultés d'accès dans le sud de la Somalie sous contrôle des insurgés shebab, la crainte de nouveaux combats dans cette zone et la bataille de Mogadiscio rendent quasi-inéluctable une aggravation de la crise dans ce pays, le plus touché par la sécheresse dans la Corne de l'Afrique, avertissent les organisations humanitaires.

Courant juillet, l'ONU a décrété l'état de famine dans deux régions du sud de la Somalie et cette famine, qui correspond à des critères bien précis (taux de mortalité, malnutrition, accès à l'eau, etc), pourrait bientôt «s'étendre» à cinq ou six nouvelles régions du sud-somalien, a averti cette semaine la chef des opérations humanitaires des Nations unies, Valerie Amos.

«La question est de savoir si les bailleurs de fonds sont capables d'agir de façon urgente et de transformer les dons en actions concrètes pour sauver des vies», estime une porte-parole de l'ONG britannique Oxfam, Elise Ford.

«La communauté internationale est en train d'être dépassée par une crise dont l'escalade échappe au controle», ajoute-t-elle.

Quelque 12,4 millions de personnes sont touchées par la nouvelle sécheresse dans la Corne de l'Afrique.

Mais la crise humanitaire qui frappe particulièrement la Somalie se nourrit des combats incessants à Mogadiscio entre insurgés et forces pro-gouvernementales et de l'interdiction d'accès à leur territoire édicté par les shebab en 2009 aux agences humanitaires de l'ONU et à de nombreuses ONG.

Ces restrictions d'accès sont parmi «les plus strictes au monde» pour les humanitaires, selon un récent rapport de l'ONU, mettant en cause les shebab comme «le principal obstacle» à la délivrance d'aide.

Une vingtaine d'ONG internationales parmi lesquelles Action contre la Faim (ACF), Médecins sans Frontières (MSF), Danish Refugee Council (DRC), Norwegian Refugee Council (NRC) parviennent toutefois à opérer en zone shebab. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est aussi sur le point d'achever une distribution de 3000 tonnes de nourriture pour 162 000 personnes dans le centre et le sud du pays.

Mais cette aide ne répond qu'à un pourcentage très limité des besoins.

Plusieurs responsables de la sécurité de la région s'inquiètent également d'un possible regain des combats sur les lignes de front du sud et du centre, au regard d'une intensification récente de mouvements de troupes des milices pro-gouvernementales et des insurgés.

Cette recrudescence des combats a déjà touché Mogadiscio ces derniers jours, où les troupes de l'Union africaine ont lancé une offensive contre les positions shebab pour, officiellement, y faciliter l'accès humanitaire.

«Notre capacité à distribuer une aide si nécessaire a été entravée par les combats en cours dans la capitale somalienne», déplorait mardi le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

Or, devant l'absence d'aide dans leur région d'origine, quelque 100 000 Somaliens ont gagné Mogadiscio ces derniers mois, en dépit des combats. Difficile, rappelle le HCR, d'organiser la prise en charge de tant de déplacés lorsque les humanitaires sont contraints dans la capitale de circuler sous escorte lourdement armée.

La situation n'est guère plus satisfaisante dans les zones de libre accès: l'afflux massif de réfugiés a depuis longtemps débordé les capacités d'accueil du complexe de Dadaab, dans l'est du Kenya, qui abrite environ 380 000 personnes dans des conditions sanitaires très difficiles.

Le cercle vicieux y est flagrant: des familles fuyant des régions privées en grande partie d'assistance sont contraintes de marcher des semaines pour traverser la frontière et atteignent les camps de réfugiés encore plus épuisées et vulnérables aux maladies.

À Dadaab, 60 à 70% des nouveaux arrivants sont des enfants, selon l'ONG Save the children.