Un jeune homme a prédit les émeutes d'il y a deux semaines en Grande-Bretagne: Chavez Campbell, 18 ans, résidant du nord-est de Londres, le foyer des pillages et des incendies. La Presse a discuté gangs et mesures d'austérité avec ce jeune boxeur.

Chavez Campbell est une petite célébrité dans le quartier défavorisé de Wood Green. Le jeune homme est l'étoile montante de la boxe amateur chez les poids moyens. Et il a prophétisé les émeutes qui se sont répandues dans le pays comme une traînée de poudre.

Le 31 juillet dernier, une équipe de tournage du quotidien The Guardian interviewe Chavez Campbell près de la station Wood Green. Le topo porte sur la fermeture de huit maisons de jeunes par l'arrondissement.

«Il y aura des émeutes», répète Chavez en secouant la tête.

Le jeudi suivant, Mark Duggan est tué à bout portant par la police à Tottenham, circonscription voisine de Wood Green. Deux jours plus tard, une manifestation pacifique tourne à la violence. La lame de fond déferle jusqu'aux pieds de Chavez Campbell.

«Des centaines de gens cassaient tout sur leur passage», dit Chavez, en pointant des commerces où des panneaux de bois font toujours office de vitrine.

Exprimer le malheur

Au-delà du chômage, de la cure d'austérité imposée par le gouvernement et de l'augmentation du coût de la vie, le pugiliste, qui travaille à temps partiel dans une salle de quilles, a une explication simple aux émeutes: «Les gens voulaient montrer qu'ils sont malheureux.»

Chavez aurait sans doute été du nombre si ce n'avait été de la boxe. Il a découvert sa passion à 13 ans, alors qu'il était dans une maison de redressement.

Il ne connaît pas le nom de son premier ministre, mais il est d'accord avec lui sur un point: la «culture de gang» est un fléau à Londres.

«Il y en a une bonne vingtaine dans le secteur. C'est la loi du plus fort. Des gangs s'affrontent dans une guerre de codes postaux. Mais ils peuvent attaquer n'importe qui.» En décembre dernier, Chavez a échappé de justesse à une trentaine de jeunes qui le poursuivaient.

«Si je suis encore ici, c'est parce que je cours vite», dit l'homme peu souriant.

Les policiers ont peur...

Même les policiers ont peur, croit l'athlète qui traverse la ville pour s'entraîner chaque jour. «Une fois, pendant que je me faisais fouiller par des agents, une bande de gens masqués nous a dépassés. Les policiers n'ont pas bronché», soupire-t-il.

Sa mère, au chômage depuis trois ans, lui a fait promettre de ne plus faire de prédictions. Il en avance tout de même une pour La Presse. «Il y aura d'autres émeutes pendant les Jeux olympiques. Parce qu'il y aura d'autres coupes et parce que le monde entier sera là», dit Chavez Campbell, qui espère participer aux Jeux de 2016.

Malgré son quartier «pourri», Chavez n'a pas peur. «Je ne crains que Dieu», dit-il avec le regard d'un boxeur qui s'apprête à monter sur le ring.