La justice britannique, qui siège 7 jours sur 7 depuis les émeutes, est accusée d'avoir la main particulièrement lourde, infligeant des peines de prison ferme pour le vol de bouteilles d'eau ou la création d'une page sur Facebook appelant à participer aux violences.

Mardi, deux jeunes de 20 et 22 ans ont été condamnés à quatre ans de prison, la peine la plus lourde infligée dans le cadre des émeutes, pour avoir incité aux troubles via des appels sur le réseau social Facebook, bien qu'il n'y ait eu aucune conséquence sur le terrain.

Jordan Blackshaw, 20 ans, avait appelé à un rassemblement sur une page Facebook intitulée «Détruire la ville de Northwich» (nord-ouest de l'Angleterre). Il s'est présenté seul au rendez-vous et a été aussitôt arrêté par la police.

Le deuxième accusé, Perry Sutcliffe-Keenan, 22 ans, avait ouvert une page «Organisons une émeute» dans son quartier de Warrington (nord-ouest de l'Angleterre), avant de la retirer avec des excuses le lendemain.

Bien qu'aucun trouble n'ait été déploré, ces messages ont provoqué «une panique considérable et un sentiment de révolte au sein des quartiers», a déclaré le procureur devant le tribunal de Chester, dans le nord-ouest de l'Angleterre. Ils ont aussi contraint la police à se mobiliser sur les lieux des rendez-vous, à un moment où sa présence aurait été plus utile ailleurs.

Un responsable de la police locale, Phil Thompson, a défendu les peines infligées en rappelant le rôle pris par les réseaux sociaux dans la propagation des émeutes: «Si l'on se souvient dans quelle mesure la technologie a été utilisée pour inciter les gens à commettre des actes criminels, il est aisé de comprendre» pourquoi les deux suspects se sont vu infliger une peine de quatre ans de prison, a-t-il estimé.

Jeudi dernier, un homme de 23 ans sans aucun antécédent a écopé de 6 mois de prison ferme pour avoir profité des troubles pour voler un pack de bouteilles d'eau d'une valeur de 3,50 livres.

Une semaine après la fin des émeutes, plus de 1200 personnes, dont environ 20% de mineurs ont comparu devant la justice. 64% ont été maintenus en détention, à comparer avec seulement 10% pour les infractions graves en 2010.

La plupart des tribunaux de première instance, qui ne peuvent infliger plus de six mois de prison, renvoient les affaires à l'échelon supérieur (Crown courts), où les peines peuvent être beaucoup plus sévères.

Le Premier ministre David Cameron avait appelé à la plus grande sévérité vis à vis des fauteurs de troubles, estimant que «tous ceux qui sont inculpés doivent s'attendre à aller en prison».

«Certaines peines sont totalement disproportionnées. On va voir une flopée d'appels», prédit Sally Ireland, de l'association «Justice», citée par le quotidien The Guardian.

Le juge Andrew Gilbart, de Manchester, a justifié des peines «plus longues» dans le contexte des émeutes, élément aggravant selon lui par rapport à des faits «commis isolément».

Un argument vigoureusement rejeté par l'avocat Paul Mendelle, pour qui «il y a des règles claires, qui encadrent le type de peine pour chaque cas». Or, «il semble que les tribunaux soient incités à ignorer ces règles et à jeter par la fenêtre le livre des lois, et à augmenter les peines».

«Je trouve ça troublant et potentiellement injuste. On dit souvent qu'une justice lente constitue un déni de justice, mais la justice hâtive est aussi un déni de justice», assène-t-il.

Les autorités judiciaires ont pour leur part nié formellement «avoir donné des consignes sur les peines pour les infractions commises pendant les récents désordres publics».