Le candidat socialiste François Hollande est sorti gagnant hier du premier tour de l'élection présidentielle française à l'issue d'un scrutin marqué par une montée prononcée de l'extrême droite.

Selon les résultats définitifs publiés lundi par le ministère de l'Intérieur, le politicien de gauche a remporté 28,63% des voix, devançant le président sortant, Nicolas Sarkozy, à 27,18%. Les deux hommes s'affronteront lors d'un dernier tour décisif qui se tiendra le 6 mai.

La candidate du Front national, Marine Le Pen, est arrivée au troisième rang avec un score sans précédent pour la formation. Avec 17,90% des voix, elle surpasse le total obtenu en 2002 par son père, Jean-Marie Le Pen, qui avait créé la surprise en se qualifiant pour la phase finale de l'élection présidentielle, devant le socialiste Lionel Jospin.

Le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui avait réussi à doubler ses appuis dans les sondages en cours de campagne avec ses sorties musclées contre la crise et le monde de la finance, a reculé et a finalement obtenu 11,11% des votes. Il était suivi du centriste François Bayrou, lui aussi plus bas que prévu à 9,13%, et de la candidate écologiste Éva Joly, à 2,31%.



Battre Sarkozy

François Hollande, qui avait appelé les partisans à se mobiliser pour le placer en avance au premier tour, s'est félicité du résultat lors d'une brève intervention prononcée avec solennité dans son fief de Tulle, au centre du pays, devant des partisans enthousiastes.

«C'est un acte de confiance dans le projet que j'ai présenté devant les Français pour redresser le pays», a-t-il souligné.

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«C'est un acte de confiance dans le projet que j'ai présenté devant les Français pour redresser le pays», a souligné le socialiste François Hollande.

Le score du président sortant et la montée du Front national constituent, selon lui, un «désaveu» du quinquennat de Nicolas Sarkozy et d'un discours qui a voulu «diviser» les Français plutôt que de les rassembler.

«Le 6 mai, je veux une belle victoire à la hauteur de la France, de son histoire», a conclu le candidat socialiste, alors qu'à Paris ses admirateurs fêtaient devant le siège du parti.

Le leader du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, intervenant peu après le dévoilement des résultats officiels, a appelé les militants de sa formation à se mobiliser pour «battre Sarkozy» en votant contre lui au second tour, sans pour autant évoquer le nom de François Hollande. Éva Joly a appelé directement à voter pour le candidat socialiste pour que le pays «sorte du sarkozysme».

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Dès l'annonce des résultats, le président sortant Nicolas Sarkozy s'en est pris à son adversaire au second tour, François Hollande.

Retenue

François Bayrou, plus circonspect, a déclaré qu'il «prendrait ses responsabilités» sans dire explicitement s'il appellerait à voter pour l'un ou l'autre des deux candidats restants. Son entourage a indiqué qu'il leur transmettrait sous peu une liste de questions sur laquelle il baserait sa décision.

Marine Le Pen, elle, n'a pas donné de consigne de vote hier soir, invitant plutôt ses partisans à venir l'entendre à ce sujet lors d'un grand rassemblement prévu à Paris le 1er mai.

Dans une brève allocution, elle n'a cependant guère laissé de doute sur le fait qu'elle ne cautionnerait aucun des deux candidats toujours en lice, se présentant désormais comme «la seule et véritable opposition face à la gauche» en raison de «l'affaiblissement» de la droite traditionnelle.

Le président sortant, qui a tenté en vain d'aspirer vers lui une part importante du vote d'extrême droite en insistant sur les questions d'immigration et d'identité, s'était donné pour objectif de finir devant le candidat socialiste au premier tour. Il aura fort à faire dans la phase finale, puisqu'un sondage diffusé hier soir donne François Hollande gagnant à ce stade avec 54,5% des voix.

Vers l'affrontement

Le chef d'État, qui récuse les sondages, s'est immédiatement projeté dans le duel avec son adversaire lors d'un discours tenu à la salle de la Mutualité, à Paris, devant une foule d'admirateurs qui criaient «Nicolas, président!» en agitant des drapeaux de la France.

Il a indiqué que les deux semaines à venir devaient permettre aux deux hommes de comparer leurs projets respectifs devant la population, «sans hypocrisie, sans esquive, sans faux-fuyant». Le politicien a proposé de tenir trois débats avec le candidat socialiste plutôt qu'un seul comme le veut la pratique, mais l'autre camp a immédiatement refusé l'offre.

Bien qu'ils aient été déçus par la deuxième place de leur champion, la plupart des partisans du président rencontrés hier se disaient certains de ses chances de réussite au second tour.

«C'est un être exceptionnel qui a réformé la France, qui a fait ce qu'il devait faire», a déclaré Catherine Levy-Franchi, une militante de 65 ans qui portait un t-shirt aux couleurs de la campagne de Nicolas Sarkozy.

«Il a une dimension nationale, européenne, internationale. Vous imaginez François Hollande devant Barack Obama? Soyons sérieux», a déclaré la dame, qui ne croit pas un instant à la défaite.

«On est presque deux points derrière, c'est certain qu'on aurait préféré être deux points devant. Mais il faut continuer à le soutenir. Il a 15 jours pour s'imposer. Ce sera homme contre homme, idées contre idées», a déclaré Jean-Marie Mannone.

«Il a tellement souffert pendant cinq ans que je voudrais, pour la France, mais aussi pour lui, qu'il gagne», a souligné l'homme de 63 ans.

Thierry Le Gac, un enseignant de 37 ans aussi présent à la Mutualité, estime que le second tour sera serré, quoi qu'en disent les experts. «Là, on repart à zéro, on rebat les cartes. Rien n'est joué», a-t-il assuré, se faisant l'écho des ténors de la droite.



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Marine Le Pen n'a pas donné de consigne de vote pour le second tour, se présentant plutôt comme «la seule opposition face à la gauche» devant «l'affaiblissement de la droite traditionnelle».

RÉSULTATS

François Hollande Parti socialiste: 28,63%

Nicolas Sarkozy Union pour un mouvement populaire: 27,18%

Marine Le Pen Front national: 17,90%

Jean-Luc Mélenchon Front de gauche: 11,11%

François Bayrou Mouvement Démocrate: 9,13%

Éva Joly Europe Écologie - Les Verts: 2,31%

Nicolas Dupont-Aignan Debout la République: 1,79%

Philippe Poutou Nouveau parti anticapitaliste: 1,15%

Nathalie Arthaud Lutte ouvrière: 0,56%

Jacques Cheminade Solidarité et Progrès: 0,25%