A onze jours du premier tour de la présidentielle, alors que les marchés restent nerveux face à la crise, Nicolas Sarkozy a agité le spectre d'une «France à genoux» si François Hollande, qui a confirmé sa volonté de renégocier le traité budgétaire européen, était élu.

Le président sortant, au coude à coude avec le candidat socialiste au premier tour (22 avril) mais donné largement battu au second (6 mai) dans les sondages, a mis en garde mercredi contre «une crise de confiance massive» en cas d'arrivée de la gauche au pouvoir.

«Si on recommence à embaucher des fonctionnaires, on recommence à dépenser, on met en cause la réforme des retraites, ce n'est pas un risque que les taux d'intérêt vont remonter, c'est une certitude», a averti M. Sarkozy.

«Nous ne voulons pas d'une France à genoux, nous ne voulons pas d'une France qui perdrait la maîtrise de son destin», a-t-il ajouté un peu plus tard.

Alors que François Hollande envisage de réduire les déficits en taxant les plus riches et en évitant les coupes claires dans les dépenses publiques, le président sortant défend un bilan qui a permis, selon lui, à la France d'échapper au sort de «la Grèce ou de l'Espagne».

Le candidat socialiste a vivement répliqué en attaquant le bilan du président sortant.

«S'il y a eu la perte du triple A (chez l'une des agences de notation, ndlr), c'est à cause de la gauche ou à cause de la droite?», a-t-il interrogé. «C'est à cause d'une gestion, celle que nous connaissons: déficits qui se sont accumulés, dette publique record, déficit de notre commerce extérieur qui atteint 70 milliards d'euros», a-t-il accusé.

Dans la soirée, il a confirmé sa volonté de «renégocier» le traité européen de discipline budgétaire pour le «compléter» par un volet croissance

«Nous devons renégocier le traité pour y ajouter, le compléter, l'améliorer sur le dispositif de croissance. Aujourd'hui il n'y a rien», a-t-il précisé.

Constatant qu'aucun État membre, sauf l'Allemagne, n'a les moyens de faire de la relance, François Hollande propose que l'UE et la Banque européenne d'investissement (BEI) «puissent emprunter pour que nous puissions engager des travaux immédiats, sur les infrastructures, sur le développement des énergies nouvelles, sur un certain nombre de projets industriels».

Le secrétaire général de la CGT, premier syndicat du pays, Bernard Thibault, a prévenu que si Nicolas Sarkozy est réélu, «la tension sera vive» dans le pays.

«C'est un président autoritaire. S'il est réélu, il le sera encore plus. Les droits sociaux passeront à la moulinette. La précarité deviendra la règle», a affirmé M. Thibault.

Le premier à avoir alerté sur la gravité de la crise en 2007, le centriste François Bayrou, a renvoyé dos à dos la campagne «financièrement insoutenable» de François Hollande et celle, «irréaliste», de Nicolas Sarkozy.

La France est-elle «dans le déni» comme l'affirmait récemment l'hebdomadaire britannique The Economist? Assurément pour M. Bayrou, qui n'est plus crédité que de 9% des voix au premier tour après avoir arraché la troisième place en 2007 (18,6%), et qui prédit que le pire est à venir.

M. Hollande faisait partie des cinq candidats à l'élection qui se sont expliqués mercredi soir sur leurs propositions au cours d'interviews télévisées successives programmées par la chaîne publique France 2. Les cinq autres candidats, dont Nicolas Sarkozy, seront invités jeudi soir.

La campagne officielle, avec ses exigences d'égalité de temps de parole, a permis à certains «petits» candidats d'apparaître pour la première fois dans des émissions en «prime time» à la télévision.

Le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, crédité de 1% dans les sondages, en a profité pour préciser qu'il ne donnerait pas de consigne de vote au second en faveur d'un «charlatan», que ce soit, à ses yeux, Nicolas Sarkozy ou François Hollande.

Lui emboîtant le pas, l'écologiste Eva Joly, scotchée à moins de 3%, a jugé que c'était une «anomalie» que Nicolas Sarkozy puisse solliciter un second mandat alors qu'il y a selon elle des «présomptions concordantes et précises» de financement illégal de sa campagne de 2007 dans l'affaire Bettencourt.