A 67 jours du premier tour de scrutin, Nicolas Sarkozy a annoncé mercredi son entrée dans la course à l'Elysée face à son rival -et plus que jamais favori- socialiste François Hollande, qui a dénoncé à Rouen au même moment le «fiasco» de son quinquennat.

En campagne depuis des semaines déjà, le chef de l'Etat a mis fin sur TF1 au vrai-faux suspense qui entourait sa décision. «Oui, je suis candidat à la présidence de la République», a-t-il dit, «parce que la situation de la France, de l'Europe et du monde (...) qui connaissent une succession de crises sans précédent, fait que ne pas solliciter à nouveau la confiance des Français, ce serait comme un abandon de poste».

Nicolas Sarkozy a décliné le slogan de sa campagne: «La France forte». «Il faut que les Français comprennent que si la France est forte, ils seront protégés», a-t-il dit en agitant le spectre de la situation de la Grèce, sous perfusion financière.

Le président sortant a fixé les priorités d'un second mandat qui, a-t-il promis, ne sera pas «conforme au premier». D'abord la réhabilitation de la valeur «travail», car «l'assistanat n'a pas sa place», puis sa volonté de «redonner la parole au peuple français par le référendum». Nicolas Sarkozy a aussi confirmé son intention de consulter les Français sur le «chômage», son «indemnisation» et la «formation des chômeurs».

Depuis l'estrade où il s'adressait au même moment à plusieurs milliers de personnes à Rouen, François Hollande a fustigé le nouveau candidat qui «nous promettra du neuf» et «tentera de faire de ses faiblesses une force». «Il s'est trompé pendant cinq ans et justement ce sera son expérience!», a-t-il raillé.

Dans la foulée, le candidat socialiste a dénoncé la décision de Nicolas Sarkozy de recourir au référendum, assimilée à une volonté de «flatter les instincts de la facilité» et la «part d'ombre» des Français. «Le seul référendum que je connaisse, c'est le 6 mai prochain, c'est l'élection présidentielle», a déclaré François Hollande.

Comme en écho, le chef de l'Etat a dénoncé, sans nommer son rival, cette «longue litanie» de critiques. «Je comprends qu'il me critique, mais il n'a pas des idées à mettre sur la table?», a-t-il demandé en promettant que lui ne dirait pas «matin, midi, et soir du mal des autres».

Après son entrée en lice, Nicolas Sarkozy, 57 ans, doit faire sa première sortie de prétendant jeudi en Haute-Savoie, fief du président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer, où il doit visiter une fromagerie. Il tiendra à Annecy sa première réunion publique de candidat à 18h30, avant le grand meeting programmé dimanche après-midi à Marseille.

Depuis des semaines, la décision de Nicolas Sarkozy n'était qu'un secret de Polichinelle. Pressé par un entourage inquiet de la large avance prise par François Hollande dans les sondages, le chef de l'Etat a été contraint de bouleverser ses plans et d'abandonner la posture de «président courage» face à la crise qu'il comptait prolonger jusqu'en mars.

L'UMP a accueilli comme un soulagement l'entrée en lice de son champion, dont elle attend un électrochoc dans un électorat qui continue d'accorder très largement sa préférence à François Hollande.

«Ce soir, le débat présidentiel est véritablement lancé», s'est réjoui le Premier ministre François Fillon. Le numéro deux de son gouvernement, Alain Juppé, a salué «un président courageux qui sait prendre des décisions parfois impopulaires». Quant au patron de l'UMP Jean-François Copé, il a loué un Nicolas Sarkozy «engagé, concentré, grave et qui nous dit aux uns comme aux autres son amour de la France».

«Le devoir de vérité et d'exigence des temps actuels (a) nourri sa décision et contribué à engager un vaste rassemblement pour la poursuite de son action», a réagi le ministre de l'Economie François Baroin.

Mise en place dans le plus grand secret, l'équipe de campagne du candidat s'est immédiatement mise en marche. Elle devrait avoir pour porte-parole la ministre de l'Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet.

A l'inverse, tous les rivaux de Nicolas Sarkozy se sont empressés de minimiser l'impact de son entrée en campagne et lui ont renvoyé son bilan à la figure.

Sans surprise, la candidate du FN Marine Le Pen a raillé le «magicien» Nicolas Sarkozy et a dénoncé son «bilan dramatique». Le candidat du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon a fustigé un «numéro de pur cynisme de la part de quelqu'un qui vient nous parler de ses ambitions sociales après avoir fait reculer le pays comme aucun autre président ne l'avait fait».

«Quand le capitaine a mené le bateau sur un récif, on dit qu'il faut un changement», a moqué le candidat du MoDem François Bayrou. «Il faut le chasser de l'Elysée», a tranché l'écologiste Eva Joly.

Après la menace de dégradation financière de la France brandie mardi par l'agence Moody's, c'est le député UMP Christian Vanneste qui a suscité mercredi des remous avec des propos niant la déportation des homosexuels français.

M. Copé a annoncé que l'UMP allait examiner mercredi prochain la suspension de l'investiture de M. Vanneste pour les législatives de juin et son exclusion. «L'homophobie, je l'ai en horreur», a réagi mercredi soir M. Sarkozy.