Grâce au quota soutenu par les Américains, qui impose au moins un quart de femmes au sein du Parlement, ces dernières ont commencé à se faire une place dans le système politique irakien. Mais si elles profiteront de cette règle pour la deuxième fois lors des élections dimanche, elles ont déjà pu constater que le nombre seul ne suffit pas forcément à peser davantage.

À peine terminée la prière du vendredi, une foule d'Irakiennes dans leurs longues abayas noires entoure Maha al-Douri, la pressant de questions et de requêtes. La députée du mouvement sadriste est leur intermédiaire avec le pouvoir.

«Le quota était très important lors des élections précédentes parce que nous vivons dans une société dominée par les hommes et qu'il était nécessaire pour donner aux femmes l'occasion d'avoir un rôle politique», reconnaît-elle lors d'un entretien dans les bureaux de l'imam chiite extrémiste Moqtada al-Sadr, dans le bidonville de Sadr City à Bagdad. «Mais à l'avenir, il faudrait supprimer ce quota, et que les femmes puissent concurrencer les hommes à égalité, parce qu'elles ont prouvé leur compétence et leur fiabilité en politique», estime la députée, qui brigue un deuxième mandat sous l'étiquette sadriste.

Maysoun al-Damlouji, influente députée sunnite, prône au contraire une extension du quota aux pouvoirs exécutif et judiciaire, même si elle admet qu'il n'a pas toujours eu les effets escomptés. «Certaines femmes élues au Parlement ne croyaient pas nécessairement dans les droits des femmes ni même dans les quotas qui leur ont permis d'y entrer», dit-elle. «Aujourd'hui, les gens ont l'impression que les femmes ont servi à boucher un vide, et qu'elles n'ont pas été très efficaces».

Les élues au Parlement irakien viennent d'un large éventail de partis et de toutes les tendances idéologiques, des fondamentalistes musulmans aux laïcs libéraux, ce qui n'a guère permis de faire émerger un consensus sur la cause des femmes.

Maysoun al-Damlouji raconte qu'une tentative de regroupement des députées a échoué, car elles n'ont réussi à s'accorder que sur deux grandes questions: la nécessité de l'éducation pour les femmes et de la lutte contre les violences dont elles sont victimes. «Nous étions en désaccord sur quasiment tout le reste», admet-elle en souriant.

Le quota de femmes au Parlement a été appliqué pour la première fois lors des élections de 2005, sous la forte pression des Américains. Dans le cadre de ce système, un candidat sur quatre sur chaque liste doit être une candidate, et 25% des 325 sièges du Parlement sont ainsi réservés aux femmes. La même règle s'applique aux assemblées provinciales élues l'an dernier.

Dans les autres pays arabes, les femmes représentent environ 10,9% des parlementaires en moyenne, pour un taux qui va de zéro en Arabie saoudite et au Qatar à 27% en Tunisie, selon l'Union inter-parlementaire.

Dans tout l'Irak, les candidates s'affichent à côté de leurs rivaux. Les représentantes des partis fondamentalistes, comme Maha al-Douri, enveloppées de la tête aux pieds dans leurs abayas, parfois même les mains gantées, côtoient celles, tout aussi nombreuses, qui se montrent tête nue, maquillées et en tailleur. À Kirkouk, la police signale des embouteillages réguliers, provoqués par les affiches d'une candidate particulièrement jolie.

Dans le même temps, les violences pré-électorales ne les ont pas épargnées: Suha Jarallah, candidate sur la liste laïque de l'ancien premier ministre chiite Ayad Allaoui, a été abattue par des hommes armés il y a trois semaines à Mossoul.

Les femmes ont aussi du mal à trouver des soutiens dans une société dominée par les hommes où la politique reste marquée par les affrontements de clans et de courants religieux.

Jenan Mubark, qui se présente en indépendante et pour la première fois, accuse les partis d'avoir exploité les quotas pour remplir le Parlement de femmes sans envergure qu'ils pouvaient contrôler. «Ils ont utilisé les quotas contre les femmes, pas en leur faveur», dit-elle. «Ce genre de partis veulent des femmes très faibles, qui se contentent de dire oui à tout».

Si elle est élue, elle compte bien essayer de faire passer des lois pour créer des opportunités d'emplois pour les femmes divorcées, non-mariées ou veuves, problème spécifique dans un pays qui a connu tant de violence.

Elle souhaite aussi se battre contre l'entrée en vigueur d'un article de la Constitution qui permettrait aux dignitaires religieux de décider dans des domaines comme la garde des enfants, le divorce et le mariage. Une disposition qui est source d'affrontements entre les élues et candidates religieuses et laïques.

Mais les femmes ont su aussi parfois faire preuve d'unité. Quand l'ancien président du Parlement Mahmoud al-Mashhadani, connu pour ses propos virulents, a eu le malheur de faire une sortie, en pleine séance, sur ces femmes irakiennes incapables, selon lui, de faire des dirigeants efficaces car trop distraites par la peur de voir leur mari prendre une nouvelle épouse, la riposte n'a pas tardé: toutes les femmes ont aussitôt quitté la salle, privant le Parlement de qorum, et bloquant de fait les travaux.

«Nous sommes parties, et avons refusé de revenir, même s'il s'est excusé ensuite. Nous avons demandé qu'il quitte la séance, ce qu'il a fait. Et c'est à ce moment-là que nous sommes revenues», raconte-t-elle. «Et je crois que cela lui a donné une petite leçon».

L'intéressé a en tous cas changé de discours. Il dit s'attendre à voir les femmes occuper des fonctions plus importantes au sein des partis à l'avenir, et à voir émerger des «Margaret Thatcher» irakiennes. «Elles en ont le talent et la capacité», assure-t-il désormais, «et elles peuvent faire beaucoup plus au Parlement».