Alors que Haïti s'apprête à commémorer le premier anniversaire du séisme dévastateur, le Conseil électoral provisoire a entre ses mains un rapport d'observateurs internationaux qui recommanderait d'écarter le candidat du pouvoir, Jude Célestin, du second tour.

Le président, René Préval, dont Célestin est le dauphin, a refusé de commenter la nouvelle, lundi soir, même s'il avait convoqué une poignée de  journalistes haïtiens à un point de presse  diffusé à travers le pays. «Ce n'est pas à moi à accepter, ou non, les recommandations», a-t-il commencé par dire avant d'insister sur le fait qu'il n'avait pas encore rencontré les experts de l'Organisation des États américains.

«Je n'ai rien à dire sur les recommandations, car je ne les ai pas lues», a insisté le président qui a lui-même commandé ce rapport à la suite de l'annonce des résultats du premier tour de la présidentielle du 28 novembre qui avait provoqué des violences dans le pays. Il a répété qu'il ne quitterait pas le pouvoir tant qu'un nouveau président ne serait pas élu, et ce, même si son mandat se termine le 7 février.

Le sujet était sur toutes les tribunes radiophoniques depuis midi dans la capitale haïtienne. Ici, tout le monde se demande comment réagira les partisans de Jude Célestin. Le candidat du pouvoir a continué de faire campagne dans le quartier populaire de Martissant aujourd'hui. L'un de ses organisateurs politiques a indiqué à La Presse que M. Célestin ne commenterait pas tant qu'il n'aurait pas pris connaissance du rapport.

Les ambassadeurs américain et français ont déjà fait des appels au calme. Il faut que «tout le monde garde la tête froide», a dit l'ambassadeur des États-Unis, Kenneth Merten.

Dans son projet de rapport, l'OEA fait état d'irrégularités dans le processus électoral. Ce rapport n'est toujours pas public, seul des extraits ont été diffusés par certains médias jusqu'à présent.

Le candidat arrivé troisième, Michel Martelly, doit affronter Mirlande Manigat au second tour, recommandera l'OEA, selon l'Associated Press, qui a obtenu copie du rapport.

Les experts n'iraient toutefois pas jusqu'à réclamer un nouveau recomptage des voix ni l'annulation pure et simple du premier tour. Cela «soumettrait les Haïtiens à un manque encore plus long de gouvernance constitutionnelle», écrit l'agence de presse, citant un extrait du rapport.

Le Conseil électoral provisoire devra décider ces jours-ci dans quelle mesure il suivra ces recommandations. Le second tour, initialement prévu pour dimanche prochain, a déjà été reporté.

Au gouvernement, on souhaite que le Conseil électoral provisoire réagisse aux conclusions du rapport une fois les cérémonies commémoratives passées.

«Élections ou non, le peuple a un devoir de mémoire. Si vous me le demandez à micro fermé, je dirais au Conseil électoral d'attendre la fin des commémorations», a répondu à La Presse la ministre de la Culture et des communications, Marie-Laurence Lassègue, au terme d'une conférence de presse tenue plus tôt dans la journée au sujet des activités entourant le 12 janvier.

Les résultats préliminaires du premier tour du 28 novembre donnaient Mirlande Manigat en tête, devant Jude Célestin, semblant exclure de la course le chanteur populaire Michel Martelly. Ces résultats ont été vivement contestés par les partisans des trois candidats, qui ont dénoncé plusieurs fraudes et erreurs dans le calcul des votes. De violentes manifestations ont ensuite paralysé le pays pendant plusieurs jours.

«La mission d'expertise a déterminé qu'elle ne pouvait pas apporter son soutien aux résultats préliminaires des élections présidentielles rendus publics le 7 décembre 2010», écrivent les dix experts qui ont préparé le rapport, toujours selon AP.

En vertu des analyses des experts, M. Martelly se retrouvait en deuxième position avec 22,2%, 7150 votes ayant été invalidés. M. Célestin passerait de la deuxième à la troisième place, avec 21,9% des voix, en ayant perdu 17 220 votes. Mme Manigat resterait en tête, avec 31,6% des voix, après que 13 830 voix en sa faveur aient été supprimées pour irrégularités. Des dizaines de milliers de bulletins devraient être écartés pour irrégularités, selon l'OEA.

- Avec AFP et AP