La présidentielle haïtienne se dirigeait samedi vers une impasse alors qu'une proposition de recompter les voix du premier tour, censée sortir le pays de la crise, était contestée par plusieurs candidats et par des organisations non gouvernementales.

Six ONG haïtiennes jouant un rôle d'observateurs du scrutin ont estimé samedi que cette initiative, lancée par le Conseil électoral haïtien (CEP), ne répondait pas à l'urgence de la situation.

«Toute disposition de ce genre doit faire l'objet d'un dialogue, d'une concertation susceptible de déboucher sur un consensus suffisant, condition indispensable pour aboutir à des résultats acceptés par tous», affirment ces organisations, parmi lesquelles figure le Conseil national d'observation électorale, financé par l'Union européenne.

Elles estiment en outre que les vérifications ne peuvent concerner seulement les trois candidats à la présidentielle qui auraient recueilli le plus grand nombre de voix le 28 novembre.

«Toutes les contestations doivent être entendues aussi bien pour les législatives que pour les présidentielles», soulignent-elles dans un communiqué.

Le CEP a annoncé jeudi qu'il allait «enclencher une procédure d'urgence et exceptionnelle de vérification» des résultats des trois candidats en tête, après deux jours de manifestations post-électorales dénonçant des fraudes au profit du candidat du pouvoir, Jude Célestin.

Mais cette solution ne satisfait aucun des adversaires de M. Célestin, un proche du président sortant René Préval.

Michel Martelly, chanteur populaire arrivé en troisième position, et par conséquent évincé du deuxième tour, a dénoncé vendredi une manipulation.

«Nous avons un gros problème avec le recomptage des voix dans la mesure où pas moins de 3000 procès-verbaux frauduleux ont été ajoutés», a-t-il déclaré dans un entretien avec l'AFP. «Cela a été fait sur instruction du président Préval pour que M. Célestin l'emporte. Il essaye d'installer son homme à la tête du pouvoir», a affirmé M. Martelly.

«Je ne veux pas faire partie de ça», a déclaré M. Martelly. «Ils ont organisé la fraude et je suis convaincu qu'ils sont prêts à tout pour rester au pouvoir. C'est un piège», a-t-il lâché.

Vendredi soir, la candidate arrivée en tête du premier tour, Mirlande Manigat, a enfoncé le clou en annonçant qu'elle ne voulait plus d'un nouveau comptage des voix, le CEP n'ayant indiqué «ni la date ni l'heure d'une éventuelle invitation des intéressés, ni surtout la procédure envisagée pour une telle opération».

Elle a toutefois indiqué dans un communiqué qu'elle «demeure ouverte à toute initiative pouvant favoriser un dénouement de la crise».

Les résultats définitifs du premier tour doivent être annoncés le 20 décembre et le deuxième tour doit être organisé le 16 janvier.

La publication mardi des résultats du premier tour avait provoqué la colère des partisans de M. Martelly et de violentes manifestations ont fait plusieurs morts.

La situation était plus calme samedi matin dans les rues de Port-au-Prince, où banques, supermarchés et stations-service, fermés depuis mardi, ont rouvert, provoquant de longue files d'attente et des embouteillages.

Cette crise politique intervient au moment où le pays, exsangue après le séisme du 12 janvier qui a fait 250 000 morts, se débat avec une épidémie de choléra qui a tué 2193 personnes depuis la mi-octobre.

Les Haïtiens devaient recevoir ce week-end la visite de la figure de proue des ultra-conservateurs américains, Sarah Palin, qui souhaite constater sur place les besoins du pays.