Gaston Charles attendait des clients hier après-midi dans une station de taxis du Vieux-Montréal. Comme la plupart des chauffeurs d'origine haïtienne, il suivait le déroulement des élections en direct à la radio ethnique montréalaise CPAM.

Lorsque La Presse l'a abordé, il venait tout juste d'apprendre que 12 candidats avaient réclamé l'annulation du scrutin en raison des «fraudes» et des «irrégularités» visant, selon eux, à favoriser Jude Célestin, candidat du président sortant René Préval.

«Ce n'est pas bon, ça, ce n'est pas bon, a-t-il laissé tomber en hochant la tête de gauche à droite. Ça fait longtemps que le processus démocratique est installé en Haïti, mais force est de constater que ce n'est toujours pas une vraie démocratie.»

Il rappelle que les élections législatives de 2000 en Haïti, gagnées par le parti de l'ex-président Jean-Bertrand Aristide, ont également été entachées d'allégations de fraude.

«C'est la même chose qui continue, a-t-il déploré. René Préval est proche d'Aristide, et maintenant, il veut que son candidat soit élu. On ne peut accepter ça. La communauté internationale doit le dénoncer.»

La démocratie haïtienne est encore précaire, convient Frantz Benjamin, membre actif de la communauté haïtienne montréalaise. «Dans un pays comme Haïti, où tout le monde est unanime sur la faiblesse de toutes les institutions, il est clair que la démocratie est encore un processus et qu'on n'y est pas encore», a-t-il dit.

«Vers un réel changement»

Selon lui, les élections devraient inciter les institutions et les organismes présents en Haïti à réfléchir sur leur façon d'intervenir. «Et le peuple haïtien devrait participer à cet exercice-là», a-t-il souligné.

Claudel Toussaint, membre actif de la communauté et gestionnaire à la Ville de Montréal, qualifie la situation actuelle de «désolante» et «préoccupante».

Si les allégations de fraude s'avèrent, dit-il, il s'agirait d'un échec pour les institutions électorales haïtiennes, pour le pouvoir en place, mais aussi pour les pays étrangers qui ont investi des millions en Haïti.

Aussi imparfait soit-il, le scrutin d'hier constitue malgré tout un «passage obligé» vers un réel changement en Haïti. «Le pouvoir actuel a atteint ses limites dans la gestion de la crise du séisme de janvier. Il faut faire place à un renouveau économique, culturel, institutionnel, social et psychologique.»