Le suspense n'aura pas duré longtemps dans la salle de réception où étaient réunis mardi soir les partisans de Christine O'Donnell, candidate la plus insolite d'une saison électorale qui en a fait connaître plusieurs.

À 20h, heure de la fermeture des bureaux de vote dans le Delaware, toutes les têtes se sont tournées vers les téléviseurs qui diffusaient l'émission électorale de Fox News. À peine une minute plus tard, le verdict est tombé comme un couperet. Selon les projections de la chaîne d'information conservatrice, le candidat démocrate Chris Coons allait remporter une nette victoire sur la candidate républicaine et favorite du Tea Party.

Des huées ont aussitôt fusé de la foule, où certains partisans du mouvement de contestation conservateur et populiste étaient habillés à la George Washington pour célébrer ce qu'ils espéraient être une révolution.

Coons a remporté 56,5% des voix; O'Donnell, 40,1% dans un État où 6 électeurs sur 10 s'estiment satisfaits du travail de Barack Obama, selon les sondages menés mardi à la sortie des urnes. Malgré sa défaite, la candidate républicaine, qui avait reçu l'appui de l'ex-gouverneure d'Alaska Sarah Palin et du sénateur de Caroline-du-Sud Jim DeMint, a revendiqué une victoire morale.

«Le Parti républicain ne sera plus le même à la suite de ma candidature», a-t-elle déclaré, entourée de membres de sa famille et d'amis. «Le résultat final n'est peut-être pas celui pour lequel notre campagne a travaillé si fort, mais vos voix ont été entendues.»

Même si plusieurs sondages avaient donné Chris Coons gagnant, les partisans de la candidate républicaine ont semblé croire jusqu'à la fin en ses chances de surprendre les médias et l'establishment politique, comme elle avait réussi à le faire en remportant la primaire républicaine du Delaware en septembre dernier. Certains d'entre eux n'ont pas eu de mal à identifier les responsables de ce résultat décevant.

«Les médias ont fait de Christine O'Donnell une caricature», a déclaré Barbara Golden, ménagère de Dover, peu après l'annonce de Fox News. «J'aimerais bien qu'on fouille dans le passé des journalistes pour ressortir toutes les choses stupides qu'ils ont faites ou dites dans leur jeunesse.»

Anonyme avant de remporter la primaire républicaine, Christine O'Donnell, chrétienne évangélique de 41 ans, est devenue l'une des figures politiques les plus connues aux États-Unis après que les médias eurent ressorti les clips de ses déclarations les plus controversées faites lors d'émissions de télévision remontant souvent aux années 90. Son opposition à la réforme du système de santé ou à la création d'un marché du carbone a vite été éclipsée par ses opinions sur la masturbation, la sorcellerie et l'évolution, entre autres.

Mais les partisans du Tea Party réunis au Dover Downs Hotel ne semblaient pas regretter d'avoir misé sur elle plutôt que sur son adversaire de la primaire républicaine, Michael Castle, politicien expérimenté et modéré qui était favori pour l'emporter sur Chris Coons.

«Mike Castle n'a de républicain que le nom», a déclaré Bruce Anderson, membre des 9-12 Delaware Patriots, une organisation dans la mouvance du Tea Party. «Il a voté en faveur de la loi sur le climat et de la réforme de Wall Street. J'aime mieux perdre avec une femme de principes comme Christine O'Donnell que gagner avec un homme qui n'en a pas.»

Au milieu des partisans de Christine O'Donnell, James Reed n'est pas passé inaperçu, mardi soir. Le barbier de Wilmington était le seul Noir du groupe, ce qui ne semblait pas le gêner.

«J'ai enfin l'impression d'avoir trouvé une organisation qui m'écoute et qui me comprend», a-t-il dit en faisant allusion au Tea Party. «Je ne suis pas seulement un conservateur qui croit à un gouvernement plus petit et à des impôts moins élevés. Je suis pro-vie et je suis un pasteur qui croit au créationnisme, pas à l'évolution.»