Les cardinaux du monde entier se sont retrouvés vendredi autour du pape Benoît XVI afin d'évoquer notamment, et pour la première fois, la «réponse de l'Église» face à la pédophilie dans le clergé, une rencontre accueillie avec scepticisme par les victimes.

Quelque 150 cardinaux, parmi lesquels 24 nouveaux qui ne recevront leur «barrette» (toque) pourpre que samedi, participaient à cette «réunion de réflexion et de prière», consacrée le matin à la liberté religieuse.

Un thème d'une brûlante actualité après le massacre de 44 fidèles et de deux prêtres, commis en pleine messe le 31 octobre dans la cathédrale syriaque catholique de Bagdad par un commando d'Al-Qaïda qui a décrété les chrétiens «cibles légitimes».

La condamnation à mort pour «blasphème» d'une chrétienne pakistanaise, Asia Bibi, suscite de même l'inquiétude du pape qui, de façon inhabituelle, a réclamé cette semaine sa libération pure et simple.

Mais vendredi Benoît XVI s'est attaché à dénoncer une nouvelle fois la laïcisation accélérée des sociétés occidentales qui risque de «détruire la liberté religieuse en se proposant comme une vraie «dictature»». Et le numéro deux du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone, s'est même inquiété d'une montée de «christianophobie» dans le monde, selon l'un des participants.

C'est seulement en fin d'après-midi que le cardinal William Levada, préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi, doit ouvrir la discussion sur la pédophilie, à l'origine de la plus grave crise vécue par l'Église catholique ces dernières décennies.

«Je suis fatigué qu'on en parle, j'en ai jusque là... C'est une vraie tempête médiatique», a déclaré à des journalistes le très conservateur cardinal mexicain Javier Lozano Barragan, après la réunion du matin.

La nouvelle vague de scandales a éclaté il y a exactement un an en Irlande, suscitant une cascade de révélations dans le monde entier.

De mémoire de vaticaniste, c'est la première réunion sur ce sujet ultrasensible de l'ensemble des cardinaux, chargés d'assister le pape dans la conduite de l'Église sur des questions «graves mais qui surviennent assez communément», selon le droit canon.

Toutefois, le Vatican s'est attaché à ne pas créer d'attentes quant à cette rencontre. «Il ne faut pas s'attendre à la publication de documents du collège cardinalice», a prévenu son porte-parole le père Federico Lombardi.

«Si le pape et les cardinaux veulent vraiment changer quelque chose, ils devraient rencontrer des policiers et des magistrats et ne pas se contenter de se voir entre eux», a regretté Joëlle Casteix, 40 ans, une victime d'abus de prêtres venue protester contre l'attitude de l'Église.

Mme Casteix et une poignée d'autres victimes du réseau américain SNAP, exigeant que l'Église transmette à la justice tous les dossiers des prêtres coupables, ont brièvement posé devant la presse à la Piazza Navona de Rome avec leurs photos d'enfance, datant de l'époque où elles avaient été abusées.

Au cours de la journée, les «princes de l'Église» qui auront déjeuné avec le pape, aborderont d'autres thèmes, comme la conversion des anglicans au catholicisme.

Cinq évêques anglicans traditionalistes viennent justement de rejoindre l'Église catholique, un an après l'adoption d'un texte qui visait à «accueillir», au sein d'une structure spécifique, les anglicans mécontents des évolutions de leur Église, notamment sur l'ordination des femmes et la bénédiction de mariages homosexuels.

Samedi, le pape consacrera 24 nouveaux cardinaux, dont 20 électeurs au sein du collège appelé à désigner un jour son successeur.