Des prêtres de la Congrégation du Très-Saint-Rédempteur et du Séminaire Saint-Alphonse, école secondaire de Sainte-Anne-de-Beaupré, se partageaient des élèves pour mieux les agresser sexuellement, affirme une requête pour autorisation d'intenter un recours collectif.

«Les abus sexuels étaient à ce point généralisés que des prêtres du Séminaire, membres de la Congrégation, se sont concertés et ont comploté entre eux afin de déterminer quels étudiants membres du groupe ils allaient abuser, et ainsi se les répartir entre eux», soutient la requête.Un père arrêté

«À cet égard, le père Raymond-Marie Lavoie a indiqué à une occasion à un élève, après lui avoir touché les parties génitales, qu'il devait cesser ce genre de geste parce que 'tu n'es pas à moi'«, ajoute le document, déposé jeudi au palais de justice de Montréal.

Le père Lavoie, aujourd'hui âgé de 70 ans, a été arrêté par la Sûreté du Québec en décembre dernier et fait l'objet de diverses accusations pour crimes sexuels sur neuf mineurs. L'une de ses victimes, Frank Tremblay, aujourd'hui un conseiller financier âgé de 40 ans, s'est porté requérant pour intenter le recours collectif.

M. Tremblay réclame 750 000$ en dommages à la Congrégation du Très-Saint-Sacrement et au Collège Saint-Alphonse, qui a pris la relève du Séminaire Saint-Alphonse. Il a été impossible, jeudi, de parler à un responsable de la Congrégation. Le Séminaire n'existe plus. Un avocat représentant le Collège Saint-Alphonse a affirmé qu'il n'y avait aucune relation entre cette école secondaire privée et l'ancien séminaire.

La requête réclame un minimum de 100 000$ en dommages punitifs pour chacune des victimes qui pourront se joindre au recours collectif. Celles-ci devront établir ensuite le montant des dommages pécuniaires et non pécuniaires. Une douzaine d'anciens élèves se sont déjà joints aux démarches entreprises par Frank Tremblay.

Au moins cinq pères

Les crimes présumés se sont produits dans les années 80. La requête affirme que le réseau de pédophilie comptait au moins cinq pères rédemptoristes, dont le père François Plourde, ancien directeur du Séminaire et mort depuis. Frank Tremblay soutient qu'il avait 13 ans lorsqu'il a subi sa première agression. Alors pensionnaire et élève en deuxième secondaire, il s'ennuyait de ses parents et avait cherché du réconfort auprès du père Lavoie. Ce dernier lui ouvrit la porte de sa chambre.

«Le père Lavoie invita ensuite le requérant à se coucher au fond de son lit, ajoute la requête. À ce moment, le Père Lavoie se coucha à côté du requérant... Il s'est mis à lui toucher les parties génitales et à le masturber. Le requérant, complètement confus et bouleversé par cet événement, a vécu une spirale d'émotions et a ressenti une incroyable honte. Il croyait que le Père Lavoie était fâché contre lui et qu'il le dénoncerait à la direction du Séminaire et à son père, comme si l'agression était de sa faute. Il s'est juré de ne jamais parler de cet événement.

«À partir de cette soirée, les abus du Père Lavoie ont continué, se déroulant toujours de la même façon, la grande majorité du temps dans la chambre du Père Lavoie. (Il) a également agressé le requérant à la maison de repos tenue par la Congrégation à Saint-Tite-des-Caps.»

«Le Père Plourde a (lui aussi) abusé sexuellement des membres du groupe. Dans le cas d'un étudiant en particulier, il s'est livré à diverses agressions, notamment en le masturbant, en lui demandant de se masturber pendant qu'il se masturbait lui-même, en lui touchant les parties génitales et en lui faisant des fellations.»

Réconfort?

À la suite du décès du père Plourde, cet élève, qui n'avait que 12 ans, est «allé chercher réconfort auprès du Père Réjean Blanchette (mort depuis).

«Ce dernier l'a abusé sexuellement sur-le-champ, lui mettant alors la main dans les culottes pour lui toucher les parties génitales...

«Il s'est produit des abus physiques et sexuels systématiques, généralisés, organisés et concertés de la part de prêtres en autorité.»

Le Séminaire comptait de 200 à 250 élèves. La Congrégation du Très-Saint-Rédempteur a la responsabilité d'un des bâtiments religieux les plus connus au Québec, la Basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré.