Le scandale des prêtres pédophiles a déjà coûté à l'Église catholique américaine près de trois milliards de dollars, mais peu de coupables se sont retrouvés en prison et ceux qui ont couvert leurs agissements n'ont guère été inquiétés, soulignent des observateurs.

Après des années de révélations douloureuses, de dédommagements massifs et de remises en question, le scandale des prêtres pédophiles, qui a commencé à faire surface aux États-Unis au milieu des années 1980, s'est propagé en Europe et ailleurs, jusqu'à provoquer une crise au sommet de l'Église.

Cette crise institutionnelle est «la plus grave depuis des siècles, et peut-être même dans toute l'histoire de l'Église», peut-on lire dans un récent éditorial du National Catholic Reporter, une publication indépendante basée aux États-Unis, qui demande au pape des «réponses directes».

Le journal compare la crise actuelle dans l'ensemble de l'Église à ce qui s'est passé il y a plusieurs années aux États-Unis. L'Église américaine a d'abord cherché à faire taire les victimes et couvert les coupables en se contentant, au mieux, de les muter dans d'autres paroisses.

Mais, par la voie de ses évêques, elle a changé de stratégie, rappelle Nicholas Cafardi, professeur de droit canon et auteur d'un essai sur les scandales de prêtres pédophiles.

«Nous sommes encore dans un processus de reconstruction», explique-t-il à l'AFP, «mais ce qui a fait changer les choses, ce sont les mesures drastiques adoptées par les évêques en 2002».

Après des années d'inaction, la Conférence des évêques a mis en place une politique de tolérance zéro, commencé à enquêter sur le passé des prêtres et à former à la prévention. Elle a ouvert ses archives à des chercheurs en droit pénal du John Jay College of Criminal Justice.

Ces derniers ont découvert que plus de 4392 prêtres et diacres avaient agressé sexuellement au moins 10 677 enfants entre 1950 et 2002. Or, seuls 615 incidents ont été rapportés aux forces de l'ordre, 384 personnes inculpées et 252 condamnées.

Ensuite, de janvier 2002 à décembre 2003, plus de 700 prêtres et diacres ont été relevés de leurs fonctions ou ont démissionné à la suite d'accusations d'agressions sexuelles. Selon un rapport publié le mois dernier, plus de 3000 prêtres pédophiles et plus de 4500 victimes ont été identifiés entre 2004 et 2009.

Signe d'espoir cependant, sur les 398 accusations portées en 2009, seules 30 concernaient des faits postérieurs à 1990.

Six diocèses ont fait faillite sous le poids des dommages et intérêts versés et d'autres pourraient suivre: les cas traités actuellement par la justice représentent environ un milliard de dollars, selon John Allen, du National Catholic Reporter.

«Les prédictions d'une implosion massive (du nombre de fidèles et des dons) ne se sont pas vérifiées», explique-t-il à l'AFP, «mais il y a un grand débat pour savoir si la réponse de l'Église a été la bonne».

Malgré des preuves nombreuses montrant que la hiérarchie a longtemps couvert les coupables, seul un évêque, le cardinal Law de Boston, a démissionné en 2002. Des évêques refusent toujours l'accès à des documents et protègent l'identité d'anciens prêtres pédophiles défroqués.

«Il y a toujours des prédateurs sexuels qui officient et ils ne sont démis de leurs fonctions qu'en cas de pressions externes», insiste Barbara Blaine, présidente de l'association de victimes Network of those Abused by Priests.

«Si le pape était sincère, il ouvrirait tous les dossiers d'agressions sexuelles de la Congrégation de la doctrine de la foi et les livrerait à la police», dit-elle.