Il s'agit de l'un des grands mystères entourant la chute du Troisième Reich. Au moment où les chars d'assaut russes envahissaient Berlin et qu'Adolf Hitler se suicidait dans son bunker, son secrétaire particulier, le redoutable et violent Martin Bormann, a tout simplement disparu.

Les premières indications laissaient croire qu'il avait été abattu par des obus russes, mais certaines rumeurs faisaient plutôt état que Bormann avait fui le pays. Or, selon des documents rendus publics par les Archives nationales, les Services de sécurité de la Grande-Bretagne ont répertorié plusieurs témoignages de gens disant avoir vu l'ancien conseiller de Hitler.

Un document remontant au mois d'octobre 1946 fait état de «comptes rendus fiables» selon lesquels Bormann, l'homme derrière toute l'organisation de l'Holocauste, se trouvait dans la région de Schaffhouse, en Suisse. Bormann n'a jamais été vu en Suisse, mais néanmoins, les services de sécurité ont continué de recevoir de nombreux témoignages de gens disant l'avoir aperçu.

Bormann avait été jugé et condamné à mort par contumace au procès de Nuremberg pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, en 1945-46, et les responsables des services de sécurité devenaient de plus en plus exaspérés vis-à-vis les personnes prétendant connaître les allées et venues de Bormann.

«Le regretté mais itinérant Herr Bormann a été vu en Suisse (l'endroit le plus fréquemment nommé), en Bolivie, en Italie, en Norvège et au Brésil...», avait écrit un officiel incapable de masquer sa frustration. «Sans doute que les médias attendent impatiemment le moment de lancer cette ridicule primeur à l'effet qu'il a été aperçu guidant le monstre du Loch Ness. Ca devrait permettre d'amasser quelques dollars, ou autre chose du genre.»

L'historien Andrew Roberts croit que les autorités tenaient coûte que coûte à retracer Bormann, en raison de son importante contribution aux opérations quotidiennes du Troisième Reich.

«En ce qui a trait à l'Holocause, Bormann jouait un rôle vital dans la transmission de directives de Hitler à Heinrich Himmler», affirme-t-il, tout en ajoutant qu'il aurait pu avoir donné de l'information de grande importance quant à la responsabilité du Führer face au plus grand crime jamais commis contre l'humanité.

S'il avait été arrêté, Bormann aurait également facilité l'arrestation d'autres criminels de guerre nazis, soutient M. Roberts.

«Personne dans l'entourage immédiat de Hitler ne connaissait le Führer aussi bien que Bormann. Tous les soirs, il prenait note de chaque phrase, chaque mot, chaque pensée de Hitler, et il aurait été fort utile à toute personne qui l'aurait capturé.»

Les médias ont aidé à amplifier la légende relative aux allées et venues de Bormann. En 1951, un correspondant à Londres pour le Chicago Tribune, Arthur Veysey, a communiqué avec les autorités policières de la Grande-Bretagne pour leur dire qu'il avait rencontré un Allemand prétendant être Bormann. Ce dernier aurait demandé au journaliste de lui envoyer des documents aux États-Unis par l'entremise d'un messager personnel.

Bien que persuadés qu'il s'agissait d'un canular, les policiers ont tout de même demandé à M. Veysey d'organiser un autre rendez-vous. La rencontre n'a jamais eu lieu, incitant les policiers à conclure que M. Veysey, sans être un anti-Britannique, était du genre à «laisser la police régler le dossier, une attitude typique de l'Américain moyen».

Le mystère entourant le destin de Bormann s'est réglé en 1972, une fois pour toutes, lorsque des travailleurs de la construction à Berlin ont découvert un squelette. Après cinq mois d'examens, incluant des radiographies des os, une analyse dentaire et une reconstruction faciale à partir du crâne, les experts ont conclu que ces restes étaient ceux de Bormann, et qu'il était probablement mort en mai 1945 après avoir possiblement croqué une capsule de cyanure.

Il existe encore des gens non convaincus, mais les autorités ouest-allemandes l'ont déclaré mort en 1973.