Pas facile de rivaliser avec le président afghan sortant Hamid Karzaï. Un des 29 candidats à l'élection présidentielle d'aujourd'hui, Mutasim Billah Mazhabi, a été l'un des premiers à annoncer qu'il affronterait le chef d'État. Il a vite réalisé que l'ancien protégé de l'administration Bush partait avec plusieurs longueurs d'avance.

Au bout du fil, l'Afghan de 45 ans rit quand on lui demande s'il a trouvé la campagne électorale ardue à la suite des menaces répétées des talibans, qui promettaient de s'en prendre aux candidats, aux organisateurs du scrutin et aux électeurs. Son problème était ailleurs.

«C'était très difficile de faire campagne, mais pas nécessairement à cause de la sécurité. Il fallait se rendre aux quatre coins du pays pour assister à des rassemblements politiques. Malheureusement, quand je me suis présenté à l'aéroport de Kaboul pour aller voir des milliers de partisans qui m'attendaient à Herat ou à Kandahar, on m'a dit que mon vol était annulé.»

Problèmes de sécurité? Danger d'attentat? «Non, je pense que c'était du sabotage, avance M. Mazhabi. Mon avion n'a pas décollé, mais celui du président Karzaï, lui, a décollé sans problème.»

Mutasim Billah Mazhabi n'est pas le seul à croire que le président Karzaï n'a pas toujours joué franc jeu dans cette seconde course à la présidence depuis le renversement du régime taliban. Dans un communiqué de presse diffusé mardi, Human Rights Watch remet en doute l'indépendance de la Commission électorale... indépendante, chargée d'organiser le scrutin.

«Le président Hamid Karzaï a insisté pour nommer lui-même le chef de la commission sans vérification par le Parlement», écrit l'organisme international. Toujours selon Human Rights Watch, l'homme de Karzaï, Azizullah Ludin, «a clairement démontré de la subjectivité à l'égard de certains candidats de l'opposition», tentant d'en disqualifier certains et mettant en doute la santé mentale ou le calibre politique d'autres.

Malgré les doutes qu'il entretient sur la légitimité des élections d'aujourd'hui et les derniers sondages d'opinion qui lui accordent moins de 1% des intentions de vote, Mutasim Billah Mazhabi croit à la nécessité d'aller jusqu'au bout, contrairement à près de 12 des candidats inscrits à la course qui ont jeté la serviette avant le scrutin d'aujourd'hui.

Fils d'un intellectuel afghan, lui-même directeur d'une université à caractère religieux, M. Mazhabi a mis fin à 10 ans d'exil aux États-Unis pour briguer les suffrages. Sa femme a fait campagne à ses côtés. «L'histoire de ma famille est faite de batailles pour l'Afghanistan. Mon père s'est battu pour obtenir une république. Moi, je veux me battre pour la justice et la croissance dans mon pays», soutient celui qui prêche la réconciliation des différentes régions et ethnies du pays.

Il craint d'ailleurs des soulèvements populaires si le président sortant est réélu au premier tour. «Les gens du nord du pays (principalement Tadjiks) pensent qu'Hamid Karzaï (un Pachtoune) a dépensé beaucoup de l'argent qui appartient aux Afghans. Il y a des armes qui circulent et il y a un véritable danger d'éclatement aux lendemains de l'élection», soutient-il.

La solution qu'il propose? «L'Afghanistan a besoin d'un sauveur. Moi.»