Le gouvernement tunisien dirigé par les islamistes tient une réunion de crise lundi, cinq jours après l'assassinat du député de gauche Mohamed Brahmi et sur fond de contestation croissante dans le pays sous le choc avec deux meurtres d'opposants en cinq mois.

Le gouvernement tunisien dirigé par les islamistes a tenu une réunion de crise lundi, cinq jours après l'assassinat d'un député de gauche et sur fond de contestation croissante dans un pays sous le choc avec deux meurtres d'opposants en cinq mois.

«Le conseil des ministres a débattu de plusieurs alternatives et annoncera des mesures appropriées à 17 h (12 h, heure de Montréal)», a déclaré Noureddine Bhiri, ministre conseiller, à l'issue de la réunion du cabinet d'Ali Larayedh.

M. Larayedh devait participer à une réunion du conseil supérieur de sécurité, présidé par le chef de l'État Moncef Marzouki, avant l'annonce des mesures attendues.

Le gouvernement est l'objet d'une contestation grandissante depuis l'assassinat jeudi du député Mohamed Brahmi, deuxième opposant et critique acerbe des islamistes à être tué par balles après Chokri Belaïd, assassiné le 6 février 2013.

Ce premier assassinat avait provoqué des troubles en Tunisie et abouti à la chute du premier gouvernement islamiste.

Lundi matin, à Sidi Bouzid, ville natale de l'opposant assassiné, la police a tiré des lacrymogènes pour disperser des manifestants réclamant la chute du gouvernement, a constaté un correspondant de l'AFP. La police a chargé lorsque les manifestants lui ont lancé des pierres et interdit l'accès aux fonctionnaires au siège du gouvernorat protégé par l'armée.

Cette ville, berceau de la révolte de 2011, a entamé samedi un mouvement de désobéissance encadré par le Front populaire (gauche et nationalistes) et la section régionale de l'UGTT.

Des accrochages ont opposé des partisans du gouvernement aux manifestants, lorsque des jeunes ont frappé et pourchassé des dizaines du camp rival criant «Unité, unité» ou «Révolution d'hommes libres, à bas la gauche et à bas le RCD», en référence au parti du président déchu Ben Ali.

Un calme précaire régnait dans l'après-midi, le ramadan obligeant les uns et les autres à déserter la ville écrasée par une chaleur caniculaire. Le siège du gouvernorat est resté fermé, selon le correspondant.

Les partisans de la gauche ont appelé à un rassemblement de nuit devant le domicile parental de Mohamed Brahmi, à 20 km du centre-ville.

Comme les proches de Belaïd auparavant, la famille de Brahmi accuse directement Ennahda et les manifestants répètent depuis cinq jours «Ghannouchi assassin», en référence au numéro un du parti islamiste.

Les autorités ont affirmé que la même arme a servi à tuer les deux hommes et désigné les auteurs comme étant des salafistes jihadistes proches d'Ansar Ashariaa, des accusations démenties dimanche par ce groupuscule.

A Tunis et un peu partout dans le pays, les manifestants réclament aussi la dissolution de l'Assemblée constituante (ANC). Des manifestations rivales ont eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi et d'autres sont prévues dans la soirée, alors que le principal syndicat national, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT),s'apprête à tenir une réunion nocturne, décisive pour la suite de la crise.

L'UGTT «arrêtera sa position sur la crise lors d'une réunion de sa commission administrative prévue dans la nuit et assumera son rôle comme elle l'a fait le 14 janvier», a dit Sami Tahri son secrétaire général adjoint.

Il faisait référence au ralliement de l'UGTT - syndicat historique très politisé fort de 500 000 membres - au soulèvement qui a chassé l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.

Lundi à l'aube, la police a fait modérément usage de gaz lacrymogènes à Tunis pour séparer des pro et anti gouvernement qui ont campé séparément par milliers durant toute la nuit devant l'ANC, assiégée par l'armée. Les uns défendant la légitimité des urnes et les autres celle de la rue.

Un «Front du salut national de la Tunisie» nouvellement créé par l'extrême gauche, a appelé dimanche les Tunisiens à se joindre à un sit-in «permanent» devant la Constituante.

Une soixantaine de députés de l'ANC ayant annoncé le boycottage de l'ANC encadrent les manifestations, alors que le président de cette Assemblée, Mustapha Ben Jaafar, a prôné «la retenue» et invité les élus à occuper leurs sièges ce lundi pour finir le travail sur la Constitution» avançant fin août comme date limite à son adoption

L'opposition laïque espère atteindre le chiffre de 73, soit le tiers des 217 députés, la Constitution devant être votée aux deux tiers des élus, ce qui revient de fait à bloquer l'adoption du texte fondamental.

Pour Ennahda, sur la défensive, ceux qui veulent la dissolution de l'ANC «trahissent la Tunisie», a dit à l'AFP le député Fethi Ayadi.