«Belhassen Trabelsi est considéré comme le membre le plus célèbre et corrompu de la famille. Il représente tout ce que les Tunisiens détestent chez les Trabelsi», a écrit en 2006 l'ex-ambassadeur des États-Unis William Hudson, dans un câble diplomatique révélé par WikiLeaks. «Si la moitié des rumeurs qui circulent à son sujet sont vraies, on peut se demander où il trouve le temps d'être un monstre aussi vorace et sans coeur.»

Les rumeurs étaient bien vraies. En fait, la réalité était même encore pire. «On s'imaginait beaucoup de choses, mais pas autant que cela. Et pas de cette manière-là. Tout était à prendre, par tous les moyens», explique Abdelfattah Amor, président de la Commission nationale d'investigation sur la corruption et les malversations de l'ancien régime.

Le 11 novembre, M. Amor a déposé un volumineux rapport montrant l'étendue de la corruption organisée qui a gangrené le système et les institutions d'un pays tout entier. Chantage, extorsion, impôts arbitraires, expropriations, délits d'initiés; la Tunisie d'avant la révolution était bel et bien aux mains d'un clan mafieux qui se croyait tout permis.

Et Belhassen Trabelsi en était le parrain.

«M. Trabelsi est concerné par de très nombreuses affaires dans tous les secteurs de l'économie. Il a joué un rôle particulièrement actif aux côtés de sa soeur Leïla, la femme du président», confirme M. Amor, joint à Tunis.

La « caverne d'Ali Baba»

Au cours de leurs recherches, M. Amor et son équipe ont fait des découvertes qui ont marqué les esprits, comme cette fameuse «caverne d'Ali Baba», un palais en banlieue de Tunis regorgeant de bijoux et de pierres précieuses, de liasses de dollars et d'euros cachés dans les moindres recoins du bâtiment. Il y en avait pour des dizaines de millions.

Mais la Commission a surtout établi que l'ancien régime avait la mainmise sur 40% de l'économie nationale à travers 180 entreprises. L'immense fortune du clan était évaluée entre 7 et 10 milliards de dollars.

Belhassen Trabelsi, principal rouage de cette vaste entreprise criminelle, était actif dans les banques, le transport aérien, le tourisme, l'immobilier, les médias, l'automobile, les télécommunications et l'informatique. Aucune entreprise ne semblait trop modeste pour son insatiable appétit. Il utilisait l'appareil sécuritaire de Ben Ali pour écarter ses concurrents. Son nom était synonyme de pouvoir, de luxe indécent, d'impunité totale.

Le 28 septembre, Belhassen Trabelsi a été condamné par contumace à 15 ans de prison. Le 7 décembre, il a écopé d'une autre peine de plus d'un an. Il est poursuivi dans trois autres affaires.

M. Amor avoue être «un peu surpris» par l'apparente paralysie du Canada dans le dossier Trabelsi. Si les enquêteurs de la GRC manquent de preuves pour agir, ils peuvent toujours consulter son rapport: 345 pages de magouilles, bien tassées.