La commission électorale tunisienne a proposé dimanche, pour des raisons logistiques, de reporter au 16 octobre l'élection cruciale d'une Assemblée constituante initialement prévue fin juillet, ouvrant la voie à un changement de calendrier controversé.

Ce scrutin doit être le premier depuis la chute du régime autoritaire du président Zine el-Abidine Ben Ali en janvier, après 23 années de pouvoir. L'Assemblée constituante aura la tâche d'adopter une nouvelle Constitution et de préparer des élections.

Le président de la Haute instance indépendante chargée de préparer et superviser ce prochain scrutin, Kamel Jendoubi, a suggéré ce report lors d'une conférence de presse inopinée à Tunis, nécessaire selon lui pour permettre la tenue d'élections libres et démocratiques, selon l'agence de presse officielle TAP.

Cette information a été confirmée à l'AFP par la Commission nationale de réforme politique, qui a tout récemment élu les membres de cette haute instance.

«Pour des raisons techniques et logistiques, nous n'avons pas assez de temps pour tenir les élections du 24 juillet», a commenté le président de la Commission de réforme politique, Yadh Ben Achour.

«Il y a 7 millions d'électeurs à enregistrer, il y a des problèmes d'organisation, de formation des agents inscripteurs...», a-t-il souligné.

Officiellement, la décision revient désormais au gouvernement de transition, qui devait publier mardi des décrets portant sur la convocation des électeurs et la date du scrutin. Mais il semblait quasiment acquis qu'il se plie à cette recommandation.

«Cette proposition sera étudiée mardi en Conseil des ministres», a déclaré à l'AFP le porte-parole du gouvernement Taïeb Baccouche.

Si le premier ministre de transition en Tunisie, Béji Caïd Essebsi, répétait jusqu'ici «la volonté du gouvernement» de maintenir l'élection à la date du 24 juillet, il a concédé mercredi que la décision ne dépendait pas de lui.

«Actuellement, les élections ne dépendent plus du gouvernement puisqu'il y a une commission spéciale qui a été créée et va s'occuper des élections», avait-il déclaré à la radio Europe 1 lors d'une visite à Paris.

Début mai, Béji Caïd Essebsi avait déjà fait planer le doute sur le respect de la date prévue du 24 juillet, arguant de «lenteur» dans les travaux préparatoires.

La décision d'un report des premières élections depuis la chute du régime Ben Ali risque de provoquer la polémique en Tunisie, les partis politiques étant divisés sur le bien-fondé de la date du 24 juillet.

Mouldi Fahem, l'un des dirigeants du Parti démocratique progressiste (PDP), s'est dit «surpris» et inquiet» dimanche de la proposition d'un report du scrutin à octobre.

«Nous sommes surpris par cette proposition au vu des besoins du pays en matière de sécurité et de stabilité. Nous ne l'approuvons pas et nous exprimons notre inquiétude, d'autant que la situation sécuritaire à la frontière (libyenne, NDLR) est critique», le conflit libyen menaçant de déborder à la frontière sud du pays, a-t-il déclaré à l'AFP.

Hamma Hammami, porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), s'est prononcé de son côté en faveur du report.

«Il nous faut encore du temps pour informer et former les gens, faire évoluer nos médias et trouver une solution à la police politique qui est encore là», a-t-il souligné.

«L'essentiel maintenant est de décider ce qu'on va faire d'ici le mois d'octobre, d'où l'importance des consultations entre toutes les forces politiques, afin que les élections soient réellement l'expression de la volonté populaire et réalisent les objectifs de la Révolution», a-t-il conclu.