Alors que la Tunisie se prépare à fêter la chute du régime de Ben Ali, le gouvernement de transition se trouve confronté à un exode de clandestins à la recherche d'emplois en Europe et à un nouveau couac avec la démission de son ministre des Affaires étrangères.

L'arrivée massive de clandestins tunisiens sur la petite île italienne de Lampedusa, à 138 km des côtes tunisiennes, vient cruellement rappeler au gouvernement l'ampleur de la réponse à apporter à la détresse de nombreux habitants au chômage, un mois après la chute du régime, le 14 janvier, du président Zine El Abidine Ben Ali.

Quelque 5000 clandestins sont arrivés à Lampedusa en cinq jours, pour la plupart des Tunisiens expliquant avoir fui un «pays à la dérive», comme en écho aux centaines de personnes qui manifestent tous les jours en Tunisie pour réclamer un emploi, un meilleur salaire ou un toit.

«Nous passons par une période exceptionnelle et les forces (de la garde maritime) font beaucoup d'efforts pour essayer d'arrêter le flux» qui inquiète l'Italie, a assuré dimanche une source proche du gouvernement, indiquant que «des renforts ont été envoyés» pour enrayer ces départs des côtes tunisiennes.

Des centaines de jeunes originaires des villes de Zarziz, Ben Guerdane, Tataouine, Médenine (sud) et de Gafsa (centre), marquées par un fort taux de chômage, ont ainsi pris dans la nuit de vendredi à samedi le chemin de l'exode en payant aux passeurs 2000 à 2500 dinars (1003 à 1300 euros), a déclaré à l'AFP un syndicaliste de la centrale UGTT à Ben Guerdane, Hassin Betaieb.

«Je voulais partir pour trouver un emploi. A cause des troubles, la situation est difficile, des sociétés ont fermé et j'ai voulu tenter ma chance en Europe», a raconté le survivant d'un naufrage, Abdelhamid Betaib, 18 ans, diplômé en mécanique.

Selon des sources sécuritaires citées par le quotidien Effadah, les autorités ont arrêté ces derniers jours 1000 à 1500 candidats à l'émigration.

A Ben Guerdane, les syndicats ont appelé les familles à surveiller leurs enfants pour les empêcher de partir, alors qu'en Italie les débarquements se sont poursuivis dimanche «à un rythme incessant».

Rome, qui craint une crise humanitaire, a réclamé le déploiement d'une mission Frontex pour patrouiller au large de la Tunisie et entend demander le déploiement de ses policiers en Tunisie.

Mais l'idée d'un déploiement de policiers italiens a été jugée «inacceptable» par le porte-parole du gouvernement tunisien, dans une déclaration à la télévision Al-Arabiya.

Le porte-parole, Taïeb Baccouche, a ajouté que le ministre italien de l'Intérieur Roberto Maroni, qui avait évoqué cette possibilité, appartenait à «l'extrême droite raciste».

A Bruxelles, la Commission européenne a affirmé examiner les mesures qu'elle pourrait prendre pour aider l'Italie.

Le sujet devrait être évoqué lors d'une visite à Tunis lundi de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, qui doit rencontrer le Premier ministre Mohamed Ghannouchi.

Le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini est également attendu à Tunis lundi.

L'exode des clandestins intervient alors que le chef de la diplomatie tunisienne Ahmed Ounaïes a présenté dimanche sa démission, a annoncé le ministère des Affaires étrangères.

Une démission qui arrive au plus mauvais moment et constitue un nouveau couac pour le gouvernement qui semble dépassé, au point qu'opposants et observateurs se demandent de plus en plus qui commande.

Cet ancien ambassadeur de 75 ans avait été critiqué pour ses propos tenus lors de sa visite à Paris le 4 février et accusé à son retour de «déni de révolution».

En France, dont le ralliement tardif à la révolution a fait grincer des dents à Tunis, il avait salué en son homologue Michèle Alliot-Marie «avant tout une amie de la Tunisie». Au même moment, cette dernière était sommée de s'expliquer sur les largesses d'un grand patron tunisien lié en affaires avec le clan Ben Ali et pour avoir proposé au régime vacillant le «savoir-faire» des policiers français alors que la répression battait son plein.

Dans ce contexte d'incertitude et d'inquiétude, les Tunisiens s'apprêtaient à célébrer le premier mois de la chute du régime.