La coalition contre le groupe État islamique a dû «re-router» au moins un de ses avions au-dessus de la Syrie pour éviter qu'il ne s'approche trop près d'un avion russe, a déclaré mercredi un porte-parole du Pentagone.

«Il y a eu au moins une fois» une circonstance où la coalition menée par les États-Unis «a dû agir pour modifier la route» de l'un de ses avions, a indiqué le capitaine de vaisseau Jeff Davis, un porte-parole du Pentagone.

Selon un responsable américain de la Défense, l'incident concerne deux F-16 américains, qui ont renoncé à une mission de bombardement en Syrie pour ne pas s'approcher trop près d'avions russes.

«Ils ont dû renoncer à frapper la cible», a indiqué cette source.

Faute d'avoir un mécanisme d'échange d'information avec les Russes pour éviter les incidents, la coalition a mis en place «ses propres règles de sécurité aérienne», a précisé cette source.

Dans le cas des deux F16, qui étaient partis de la base aérienne d'Incirlik en Turquie, la décision de renoncer à la mission a été prise «par les pilotes» en application de ces règles, a précisé le responsable de la défense.

Le responsable a précisé qu'à sa connaissance, une seule mission de la coalition avait été déroutée jusqu'à maintenant.

Les avions russes bombardent la Syrie depuis une semaine. Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a affirmé que 112 cibles avaient été touchées depuis le début des frappes.

Les Russes ont par ailleurs utilisé mercredi pour la première fois des missiles tirés depuis des navires en mer Caspienne pour toucher la Syrie.

De hauts responsables de la Défense russes et américains ont tenus jeudi dernier une vidéo-conférence pour discuter de procédures d'information sur les vols en Syrie, pour éviter les incidents.

Mais les discussions n'ont pas repris depuis cette date, a précisé mercredi le capitaine de vaisseau Davis.

L'administration américaine affirme que l'encombrement du ciel syrien ne ralentira pas le rythme des opérations contre le groupe État islamique.

Depuis le 30 septembre, début des bombardements russes, la coalition a mené 43 frappes dans le pays, soit une moyenne d'environ 6 frappes par jour, selon un décompte de l'AFP sur la base des communiqués quotidiens de la coalition.

Cette moyenne est légèrement inférieure à la moyenne de 8 frappes par jour observée depuis le début des opérations de la coalition en Syrie, en septembre 2014.

Sur la journée du 6 octobre, dernier décompte disponible, la coalition n'a mené qu'une seule frappe à Abu Kamal, dans l'est de la Syrie près de la frontière irakienne.

Revigorée par l'appui des bombardements russes, l'armée syrienne a lancé mercredi une vaste offensive terrestre dans le nord de la province de Hama, dans le centre du pays.

Zone d'exclusion aérienne

L'administration américaine a très prudemment reparlé mercredi de l'hypothèse d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Syrie, comme le réclame la Turquie, un serpent de mer du conflit syrien qui ne s'est jusqu'ici jamais concrétisé.

Le département d'État et la Maison-Blanche ont été interrogés mercredi par la presse sur une information de CNN selon laquelle le secrétaire d'État John Kerry avait soumis il y a quelques jours à la présidence américaine un projet pour la mise sur pied d'une zone d'exclusion aérienne dans le nord de la Syrie.

Le porte-parole du département d'État John Kirby a refusé de commenter ces éventuelles recommandations qu'auraient formulées son ministre des Affaires étrangères, mais il a reconnu qu'il y avait des discussions à ce sujet à Washington.

«Nous continuons de discuter de la meilleure manière de combattre l'État islamique, particulièrement dans le nord de la Syrie. Et nous avons parlé des inquiétudes des Turcs concernant les déplacements de l'EI dans le nord de la Syrie», a dit M. Kirby.

Mais «à ce jour, il n'y a pas de décision prise sur une zone d'exclusion aérienne», a-t-il ajouté.

Son homologue à la Maison-Blanche, Josh Earnest, a été encore plus prudent: «Nous ne pouvons pas l'exclure à l'avenir, mais nous avons indiqué que, pour l'instant, ce n'est pas quelque chose qui est à l'étude».

L'hypothèse d'une zone d'exclusion aérienne en Syrie est régulièrement évoquée depuis 2012, sans que cela ait jamais abouti, l'administration américaine - Maison-Blanche, Pentagone et département d'État - paraissant divisée sur le sujet.

Le dossier a une nouvelle fois été abordé cette semaine par des pays protagonistes dans le conflit syrien.

La Turquie, qui accueille plus de 1,8 million de réfugiés syriens sur son sol, plaide depuis des mois pour la mise en place d'une telle zone dans le nord de la Syrie. Ankara s'en émeut régulièrement auprès de son allié américain.

Lundi à Bruxelles, le président du Conseil européen Donald Tusk et le président turc Recep Tayyip Erdogan en ont également discuté.

Mais la Russie, qui a commencé la semaine dernière une campagne de frappes aériennes en Syrie, a aussitôt fait part de son opposition à la création d'une zone d'exclusion aérienne, invoquant le «respect de la souveraineté des pays».