La violation de l'espace aérien de la Turquie par deux avions de combat russes ce week-end n'est «pas un accident», a estimé mardi le patron de l'OTAN, Jens Stoltenberg, alors que Moscou a évoqué de «mauvaises conditions météo» pour expliquer l'un de ces incidents.

«Les informations et renseignements que nous avons reçus me donnent des raisons de dire que cela ne ressemble pas à un accident», a affirmé M. Stoltenberg lors d'une conférence de presse au siège de l'Alliance à Bruxelles.

«De fait, il y a eu deux violations pendant le week-end, ce qui ne fait qu'ajouter au fait que cela n'a pas l'air d'être un accident», a insisté le secrétaire général de l'OTAN, jugeant une nouvelle fois «inacceptables» ces deux incidents qui ont fait monter la tension entre Moscou et Ankara.

Moscou a imputé la première incursion samedi à «de mauvaises conditions météorologiques dans cette zone». «Il ne faut pas y voir un complot quelconque», a souligné le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général Igor Konachenkov, ajoutant que des mesures avaient «été prises afin d'empêcher de tels incidents à l'avenir».

Les autorités militaires de l'OTAN - le général américain Philip Breedlove qui commande les troupes de l'Alliance en Europe, ainsi que le président du comité militaire, le général tchèque Petr Pavel - «vont contacter les autorités militaires russes (...) à propos de ces incidents», a par ailleurs indiqué une porte-parole de l'OTAN, Carmen Romero.

Des «lignes de communication» entre Bruxelles et Moscou existent, mais elles n'ont pas été utilisées depuis mai 2014 en raison des tensions entre l'Alliance et Moscou à propos du conflit en Ukraine.

L'OTAN avait fait état lundi de l'incursion, samedi, d'un Soukhoï SU-30 dans l'espace aérien turc, pendant environ 2 minutes et trente secondes selon une source diplomatique, puis d'un Soukhoï SU-24 dimanche.

Lors du premier incident, le pilote russe aurait «accroché son radar» sur les F-16 turcs qui l'avaient intercepté, une manoeuvre indiquant qu'«on se prépare à tirer un missile» vers l'appareil ciblé, a précisé une source diplomatique.

Ces incidents «ont duré longtemps par rapport à de précédentes violations de l'espace aérien (par la Russie) que nous avons vu ailleurs en Europe», a observé M. Stoltenberg.

«C'est pour cette raison que nous prenons cela très au sérieux», a-t-il poursuivi. Ce genre d'incidents peut «créer des situations dangereuses», selon M. Stoltenberg, qui a souhaité que «cela ne se reproduise pas».

Batteries Patriot

L'OTAN avait déployé en 2013 des batteries antimissiles Patriot dans le sud de la Turquie pour éviter que le conflit en Syrie, qui a fait plus de 240 000 morts depuis 2011 et a provoqué un exode massif de réfugiés dans les pays voisins et en Europe, ne déborde sur son territoire.

Cette mission arrive toutefois à son terme en fin d'année, et les États-Unis sont en train de retirer les Patriot qu'ils avaient déployés. L'Allemagne a pour sa part prévenu qu'elle mettrait fin à sa participation en janvier 2016.

M. Stoltenberg a souligné que ces batteries avaient pour objectif d'intercepter des bombardements sur la Turquie depuis la Syrie.

«Ce que nous venons de voir est différent (...) Nous réévaluons constamment la situation sécuritaire et prendrons nos décisions en conséquence», a-t-il dit.

«Les actions des Russes seront intégrées dans ces évaluations. Nous sommes actuellement en consultation avec la Turquie et d'autres Alliés sur quel type de présence il y aura l'an prochain», a-t-il ajouté.

Les Alliés veulent aussi renforcer leur présence navale dans le sud de l'OTAN et vont déployer à partir de 2016 des drones de surveillance basés en Sicile, a expliqué M. Stoltenberg.

Les ministres de la Défense de l'OTAN se réuniront jeudi à Bruxelles pour faire le point sur l'adaptation de leurs forces armées décidée il y a un an afin de les rendre plus réactives et mieux entraînées, et ainsi répondre aux nouvelles menaces pour la sécurité à l'est comme au sud de l'Europe.