Depuis le début de la guerre en Syrie, il y a trois ans, le régime de Bachar al-Assad cible délibérément et massivement les hôpitaux, les cliniques, les ambulances et le personnel médical dans les zones occupées par les rebelles. Le but de l'opération: écraser l'insurrection. Ses conséquences, elles, sont désastreuses pour la population syrienne, qui se meurt à petit feu, faute de soins, de médecins et de médicaments.

Au terme d'une étude minutieuse, l'ONG américaine Physicians for Human Rights (PHR) a recensé 150 attaques menées contre le système de santé syrien depuis mars 2011. «Ces attaques sont intentionnelles et répandues. Ce sont des crimes de guerre, et leur nature systématique en font des crimes contre l'humanité», tranche Susannah Sirkin, directrice de la politique internationale de PHR.

Le régime al-Assad piétine sans vergogne le principe de la neutralité médicale, qui considère les hôpitaux comme des sanctuaires en temps de guerre, s'inquiète Mme Sirkin. «Quand un gouvernement brise cette convention vieille de plusieurs siècles, et qu'on n'agit pas pour l'en empêcher, c'est vraiment effrayant pour l'avenir de notre monde.» Voici les détails de cette stratégie du régime syrien, en quatre temps, selon les données recueillies par l'organisation de Mme Sirkin.



Des attaques intentionnelles

Des 150 attaques contre des installations médicales, 90% ont été menées par le gouvernement syrien. Vingt hôpitaux ont été bombardés à de multiples reprises - certains au point de devoir fermer leurs portes ou d'être entièrement détruits - ce qui prouve la «nature intentionnelle» de ces attaques, selon PHR.

Presque la moitié des hôpitaux publics en Syrie ont été endommagés, détruits, ou rendus inopérants.

93% des ambulances ont été endommagées, volées ou détruites.

Avant la guerre, le camp de Yarmouk comptait entre 100 et 120 pharmacies. Aujourd'hui, il ne reste qu'une seule pharmacie en fonction dans le camp assiégé, à l'Hôpital Palestine, qui a lui-même été attaqué à deux reprises.



Des médecins arrêtés, torturés, exécutés

Depuis le début du conflit, au moins 468 professionnels de la santé syriens ont été tués, dont 157 médecins, 94 infirmières, 84 ambulanciers et 45 pharmaciens. Plusieurs autres ont été jetés en prison pour avoir simplement fait leur devoir: soigner des patients ou prodiguer des premiers soins dans les zones de conflits.



15 000 médecins ont fui le pays.

Plus de 110 médecins ont été exécutés ou torturés à mort par les forces gouvernementales.

Homs comptait 800 médecins avant la guerre. Aujourd'hui, la ville assiégée ne compte plus que trois médecins - dont un dentiste - pour soigner les 2000 personnes qui y sont toujours coincées.



Des conséquences désastreuses

«La destruction d'hôpitaux et de cliniques rurales a coupé l'accès aux programmes de vaccination, à l'aide médicale d'urgence et aux soins réguliers comme la dialyse et les traitements contre le cancer», dit Mme Sirkin. Résultat: les gens meurent, faute de soins. Et des maladies qui avaient été éradiquées du pays refont surface.

Au moins 191 personnes sont mortes parce qu'elles n'ont pas eu accès à des traitements médicaux.

La Syrie fait face à sa première épidémie de polio depuis 1999, avec 140 cas rapportés.

En 2011, seulement 13 cas de rougeole avaient été rapportés en Syrie. Le pays en compte maintenant au moins 7000.



Anesthésiés à coups de barre de fer

La résolution adoptée en février par le Conseil de sécurité de l'ONU n'y a rien changé; les deux camps continuent de bloquer l'accès au matériel médical. Entre le 22 mars et le 21 avril, seulement 13% des régions difficiles d'accès ont reçu de l'aide humanitaire. «Nous demandons au Conseil de sécurité de mettre en oeuvre la résolution votée par ses propres membres», dit Mme Sirkin.

500 000 Syriens ont un besoin urgent d'assistance médicale.

20% de la population ne trouve pas suffisamment de quoi se nourrir. Au camp de Yarmouk, 128 personnes sont mortes de faim.

Les médecins utilisent de vieux linges pour confectionner des bandages. Faute d'anesthésiants, certains patients choisissent d'être assommés avec des barres de métal avant d'être opérés