La France a proposé lundi au Conseil de sécurité de l'ONU que la Cour pénale internationale (CPI) soit saisie des crimes de guerre et contre l'humanité commis en Syrie par le régime et par les groupes armés d'opposition.

Selon des diplomates, un projet de résolution en ce sens a été distribué lundi aux 14 partenaires de la France, qui commenceront à en débattre mercredi. Il pourrait être mis au vote la semaine prochaine.

La Syrie n'étant pas membre de la CPI, il faut impérativement une décision du Conseil pour saisir la Cour des exactions commises sur son territoire. La Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay, l'a réclamé à de nombreuses reprises.

Selon le projet de résolution, dont l'AFP a eu copie, le Conseil «décide de soumettre la situation en Syrie (...) depuis mars 2011 au procureur de la Cour pénale internationale». La crise en Syrie a commencé en mars 2011.

Le texte fait référence à la fois aux «violations largement répandues des droits de l'homme et des lois humanitaires commises par les autorités syriennes et les milices pro-gouvernementales» et à celles commises «par des groupes armés non étatiques».

Paris espère que cette référence aux deux camps et l'escalade récente dans les atrocités en Syrie -attaques chimiques, tortures systématiques, largages de barils d'explosifs sur des civils-- convaincront tous les membres du Conseil qu'il est temps de saisir la CPI.

Mais de nombreux diplomates à l'ONU tablent sur un veto russe à cette proposition. Moscou, fidèle allié du président syrien Bachar al-Assad, ainsi que Pékin qui s'aligne souvent sur les positions russes, ont déjà mis leur veto à trois résolutions occidentales depuis le début de la crise en Syrie.

La Russie fait notamment valoir que saisir la CPI serait contre-productif au moment où Damas est en passe d'éliminer son arsenal d'armes chimiques.

Onze des quinze pays membres du Conseil ont adhéré à la CPI et plusieurs se sont déjà prononcés en faveur d'une saisine de la Cour en Syrie (France, Royaume-Uni, Argentine, Australie, Chili, Lituanie, Luxembourg, Nigeria, Corée du Sud).

Les États-Unis, bien que n'ayant pas adhéré à la CPI, se sont engagés à faciliter le travail de la Cour, et le Rwanda devrait s'abstenir en cas de vote.

Washington a longuement hésité avant de soutenir la proposition française mais a obtenu des assurances. Ainsi, le projet de résolution précise que les ressortissants de pays non membres de la CPI ne pourront pas être soumis à cette juridiction «pour des actes relatifs à des opérations en Syrie décidées ou autorisées par le Conseil».

Un autre paragraphe du texte indique que la saisine de la Cour ne sera pas financée par l'ONU mais par les pays ayant adhéré à la CPI ou par des contributions volontaires.

Malgré ses trois vetos, la Russie a voté en février en faveur de la résolution 2139, adoptée à l'unanimité, qui réclame un meilleur accès humanitaire en Syrie mais qui est resté lettre morte.

En conséquence, plusieurs pays du Conseil dont le Royaume-Uni, le Luxembourg ou la Jordanie travaillent sur un projet de résolution qui imposerait un meilleur accès humanitaire, en particulier le passage vers la Syrie de convois venant de Turquie afin de secourir plus rapidement les civils syriens.

Interrogé à ce propos il y quelques jours par des journalistes, l'ambassadeur russe Vitali Tchourkine avait rejeté l'idée, affirmant que Moscou avait «une approche différente».