Des ambassadeurs et des membres des services de renseignements européens ont repris discrètement le chemin de Damas pour prendre contact avec des responsables syriens, au moment où le régime prend l'avantage sur les rebelles, selon des diplomates.

«Depuis le mois de mai, petit à petit, nous avons commencé à revenir, d'abord timidement pour un jour, puis deux, puis trois et maintenant nous y allons une ou deux fois par mois», explique un ambassadeur européen accrédité à Damas, mais basé depuis décembre 2012 à Beyrouth.

Si l'ambassadrice de la République tchèque Eva Filippi n'a jamais quitté Damas, les représentants d'Autriche, de Roumanie, d'Espagne, de Suède, du Danemark et le chargé d'affaires de l'Union européenne se retrouvent régulièrement dans la capitale syrienne et certains ont même assisté il y a deux jours à un breffage du vice-ministre des Affaires étrangères Fayçal Moqdad.

La seule interdiction imposée par leur gouvernement aux diplomates à Damas est de rencontrer les 179 responsables syriens «associés à la violente répression contre la population civile, soutenant le régime ou en tirant bénéfice».

Cette liste noire a été établie par l'Union européenne dans le cadre des sanctions contre le régime qui faisait face à une révolte pacifique devenue au fil des mois une rébellion armée.

«Nous ne pouvons pas prendre contact avec ce genre de personnes, mais si nous sommes invités et que l'un d'entre eux est présent, nous ne lui tournons pas le dos et s'il nous adresse la parole nous lui répondons», affirme un autre diplomate européen.

«L'UE n'a jamais demandé à ses membres de fermer leurs ambassades. Ce fut plutôt un geste d'encouragement à l'opposition initié par les "Amis de la Syrie", mais je pense que vous allez voir au premier semestre 2014, plusieurs de mes collègues européens reprendre le chemin de Damas», ajoute-t-il.

Les «amis de la Syrie» regroupent onze pays occidentaux et arabes avec l'objectif de soutenir l'opposition à Bachar al-Assad. Une série de pays comme la France, La Grande-Bretagne, l'Allemagne ou les Pays-Bas avaient expulsé l'ambassadeur de Syrie.

Le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Moqdad avait affirmé mercredi que la Syrie, ravagée par une guerre meurtrière, n'était «pas isolée» sur le plan diplomatique.

«La Syrie a des contacts et des relations diplomatiques. Il y a 43 missions diplomatiques en Syrie, et elle n'est pas isolée comme certains le prétendent», a indiqué M. Moqdad, sans fournir de précisions.

«Il y a des contacts pour ouvrir des ambassades (à Damas) et la majorité des ambassades syriennes à l'étranger sont ouvertes, à l'exception de celles que Damas ne souhaite pas ouvrir», a poursuivi le responsable syrien.

Plus discrètement encore, des membres de services de renseignements occidentaux ont pris contact avec leurs homologues syriens, certains ont même rencontré le tout puissant chef des services secrets syrien le général Ali Mamlouk, pour tenter de reprendre une collaboration ancienne.

«La présence de plus d'un millier de djihadistes venus d'Europe pour combattre en Syrie inquiète sérieusement les pays dont ils sont originaires et c'est pour cela que les services de sécurité de ces pays voudraient reprendre leur collaboration avec la Syrie, interrompue depuis plus de deux ans», explique un autre diplomate occidental.

Même la France, qui est pourtant en pointe contre le régime syrien, a dépêché récemment deux de ses agents qui ont rencontré Ali Mamlouk pour lui demander s'il était prêt à reprendre les anciennes relations entre les services. Celui-ci a été très ferme: «Prêts nous le sommes, mais est ce que nous le voulons, la réponse est non. Pas tant que votre ambassade restera fermée», a-t-il confié, précisant que la Grande-Bretagne avait fait une démarche identique.

La France et la Grande-Bretagne ont été parmi les premières à fermer leurs ambassades à Damas en mars 2012 pour protester contre la répression du régime.