Les Occidentaux poursuivent mardi leurs efforts diplomatiques en vue d'une résolution forte du Conseil de sécurité sur le démantèlement de l'arsenal chimique syrien, au lendemain de la publication d'un rapport qui «donne le frisson» sur le massacre du 21 août.

D'une même voix, Washington, Paris et Londres ont proclamé que le rapport de l'ONU ne laissait «aucun doute» quant à la «responsabilité extrêmement claire» du régime de Bachar al-Assad dans l'attaque aux armes chimiques perpétrée dans la banlieue de Damas le 21 août.

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a évoqué un document au «contenu accablant».

Mais deux jours après un accord entre les États-Unis et la Russie sur le désarmement chimique de la Syrie, Moscou, son indéfectible allié, s'oppose à un texte aux Nations unies qui menacerait le régime syrien de «conséquences» --c'est à dire de sanctions pouvant aller jusqu'au recours à la force-- s'il ne respecte pas ses obligations.

Mardi, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, recevra son homologue français Laurent Fabius, alors que Moscou s'oppose au projet défendu par Paris d'une résolution «forte et contraignante» sur le démantèlement des armes chimiques syriennes.

Le secrétaire d'État américain John Kerry doit lui accueillir jeudi son homologue chinois Wang Yi dont le pays a opposé à trois reprises avec Moscou son veto à des résolutions du Conseil de sécurité contre la Syrie.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a présenté lundi aux 15 membres du Conseil de sécurité un rapport, dont, a-t-il dit, «la lecture donne le frisson».

Ses rédacteurs sont des inspecteurs onusiens qui ont enquêté sur le terrain après l'attaque aux armes chimiques du 21 août près de Damas. Ce «crime de guerre», selon M. Ban, a fait 1429 morts d'après Washington.

Sans désigner explicitement les autorités syriennes, le texte dresse des «preuves flagrantes et convaincantes» sur le recours au gaz sarin. Et d'après ce document, «des armes chimiques ont été utilisées sur une échelle relativement grande» au cours du conflit syrien «contre des civils, y compris des enfants».

M. Ban ne les a pas nommés, mais il a réclamé que les responsables «rendent des comptes». Il a aussi demandé au Conseil de prévoir des «conséquences» dans «une résolution claire» si Damas ne respecte pas le plan de démantèlement de son arsenal chimique mis au point samedi à Genève par MM. Kerry et Lavrov.

Le secrétaire général n'a toutefois pas parlé de frappes militaires.

L'option armée «reste sur la table» pour les États-Unis, a assuré une porte-parole du département d'État, Marie Harf, plaidant pour une résolution à l'ONU prévoyant des «mécanismes d'exécution les plus forts possibles».

Une résolution «forte et contraignante»

Mais l'attaque du 21 août n'est pas un cas isolé: à Genève, la Commission d'enquête de l'ONU sur les violations des droits de l'homme en Syrie a annoncé des investigations sur 14 autres attaques chimiques présumées depuis septembre 2011.

Dans le même temps, John Kerry a déjeuné lundi à Paris avec ses homologues français et britannique, Laurent Fabius et William Hague. L'Américain et le Britannique ont prôné des «conséquences» si Damas faillit à ses engagements. Le Français est allé plus loin en réclamant de «graves conséquences».

Un éventuel usage de la force figurait dans un projet de résolution élaboré par Paris la semaine dernière mais que la Russie avait jugé «inacceptable».

Les alliés américain, français et britannique sont tombés d'accord pour parvenir à une résolution «forte et contraignante» à l'ONU et obliger Damas, selon un «calendrier précis», à dresser l'inventaire de son arsenal chimique et à le faire vérifier jusqu'à son démantèlement d'ici la mi-2014, a expliqué Paris.

Moscou a vivement réagi en affirmant compter sur Washington pour ne pas aller plus loin que l'accord agréé à Genève. «Si quelqu'un veut menacer, chercher des prétextes pour des frappes, c'est une voie (...) qui peut saper définitivement la perspective de Genève 2», la conférence de paix qu'Américains et Russes tentent d'organiser depuis trois mois, a prévenu M. Lavrov.

Et les deux anciens ennemis de la Guerre froide, aux relations glaciales depuis un an, ont déjà des interprétations divergentes de leur accord de samedi.

Pour M. Lavrov, le texte de Genève ne prévoit pas qu'une résolution mentionne le chapitre 7 de la charte des Nations unies, qui autorise la force en dernier ressort.

Aux yeux de M. Kerry au contraire, «l'accord engage totalement les États-Unis et la Russie à imposer des mesures sous le chapitre 7 en cas de non application».

La Syrie a répliqué que toute action armée était «une menace pour toute la région» et avait «un parfum d'agression».

Le président américain Barack Obama a, lui, espéré que l'accord de Genève, «s'il est correctement appliqué (...) puisse mettre fin à la menace que ces armes représentent non seulement pour les Syriens, mais pour le monde entier». Le démarrage de ce programme de destruction serait «une question de jours», a indiqué l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC).

Paris a également annoncé une réunion internationale fin septembre à New York avec l'opposition syrienne, vent debout contre le règlement russo-américain. Et rien n'assure que Moscou prendra part à ce nouveau rendez-vous des «Amis de la Syrie», 11 pays soutenant l'opposition dans une guerre qui a fait 110 000 morts en deux ans et demi.

Ces forces rebelles sont pour moitié formées de jihadistes et d'islamistes extrémistes, selon l'institut de défense IHS Jane's. Carla del Ponte, de la commission d'enquête de l'ONU sur les violations des droits de l'homme en Syrie, a jugé ce chiffre «absolument crédible».