Les États-Unis et la France ont assuré ce week-end engranger un soutien croissant à leur volonté de frapper le régime syrien, après l'appui politique de l'Europe et de la moitié des pays du G20 à une réponse «forte» qui se garde toutefois de parler d'action militaire.

Le président François Hollande a affirmé samedi qu'il pensait que le Congrès américain voterait sur un recours à la force armée «jeudi ou vendredi» et précisé attendre le rapport des inspecteurs de l'ONU sur l'utilisation des armes chimiques «sans doute à la fin de la semaine» prochaine.

«Il y a un certain nombre de pays - un nombre à deux chiffres - qui sont préparés à prendre part à une action militaire», a affirmé le secrétaire d'État John Kerry, samedi soir lors d'une conférence de presse à Paris avec son homologue français Laurent Fabius. «Nous avons plus de pays préparés à agir militairement que ce qu'il nous faudrait en fait pour l'action militaire en projet», a-t-il ajouté, sans préciser leur identité.

Si une action armée «courte et ciblée», selon les termes de Paris et Washington, était menée, elle prendrait la forme, selon les experts, de tirs de missiles de croisière. Peu de pays hors les États-Unis et la France ont cette capacité militaire.

Comme John Kerry, Laurent Fabius s'est félicité d'un «soutien large et grandissant» aux États-Unis et à la France. «Désormais 7 des 8 pays du G8 partagent notre analyse sur une réaction forte» comme «12 pays du G20», a-t-il précisé, en évoquant aussi le soutien de l'Union européenne et celui du Conseil de coopération du Golfe.

John Kerry a, lui, salué la déclaration «très puissante» de l'UE sur la Syrie, se disant «encouragé». Cette déclaration se limite cependant à souligner la nécessité d'une «réponse forte» à l'usage d'armes chimiques, sans se prononcer sur sa forme.

Le chef de la diplomatie française a assuré que Paris et Washington n'étaient pas «isolés». «On nous dit que la France et les États-Unis sont isolés, c'est l'inverse. (...) Parler d'isolement serait totalement erroné», a-t-il dit.

Dans le même temps, la Suède et la Pologne mettaient en garde contre les réactions impulsives au conflit en Syrie estimant que tout effort international demandera un engagement «pour les décennies à venir».

Dans l'attente du vote du Congrès américain

Parallèlement à la séquence diplomatique qui vient de s'achever avec le G20 et l'UE, et qui se poursuivra dimanche par une rencontre à Paris de John Kerry avec des représentants de la Ligue arabe, Washington et Paris continuent à faire pression sur leurs opinions publiques, hostiles à un engagement militaire.

François Hollande a promis de s'adresser aux Français après le vote du Congrès américain et la remise du «rapport des inspecteurs» de l'ONU. «Nous sommes les États-Unis. On ne peut pas rester aveugle devant les images de Syrie que nous avons vues», a déclaré de son côté aux Américains Barack Obama dans son allocution hebdomadaire à la radio.

Ce week-end, la chaîne américaine CNN a diffusé en boucle des vidéos de corps frappés de convulsions ou d'enfants morts qui seraient des victimes des attaques à l'arme chimique du 21 août en Syrie. Le même genre de vidéos avait été diffusé en début de semaine par les autorités françaises à destination du public français.

Dans leur déclaration émise à Vilnius, les 28 membres de l'UE affirment qu'il existe de «fortes présomptions» sur la responsabilité du régime de Bachar al-Assad dans la mort de centaines de civils le 21 août.

Aux yeux de la plupart des États de l'UE, le rapport de l'ONU attendu prochainement représente une étape essentielle, susceptible de confirmer de manière indépendante les accusations d'attaques aux gaz toxiques.

Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui regroupe Bahreïn, le Koweït, Oman, les Émirats arabes unis, le Qatar et l'Arabie saoudite, a exhorté dans un communiqué publié à Riyad la communauté internationale à intervenir immédiatement en Syrie pour «délivrer» le peuple syrien de la «tyrannie» de son gouvernement.

Les neuf pays membres de l' Alba, un bloc régional latino-américain fondé par le Venezuela et Cuba, ont «catégoriquement» condamné samedi une éventuelle intervention militaire en Syrie et annoncé l'envoi d'une aide humanitaire aux réfugiés au Liban.

Lundi, le Congrès américain se réunit après les vacances parlementaires et le président Obama s'adressera mardi aux Américains. Le même jour, le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem sera à Moscou, grand allié de Damas.

Soucieux d'éviter une intervention, le pape François a lancé samedi un appel au monde entier pour conjurer la guerre, «défaite de l'humanité», en Syrie, lors d'une grande veillée de prière sur la place Saint-Pierre, à l'issue d'une journée de jeûne à laquelle ont participé des fidèles de toutes confessions et des non-croyants.

Sur le terrain, les combats ont repris samedi entre forces fidèles au régime syrien et rebelles aux environs et dans la ville chrétienne de Maaloula, au nord de Damas, deux jours après le retrait de combattants rebelles de l'une des entrées de la cité antique, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

L'Alba s'oppose à une éventuelle attaque

Les neuf pays membres de l' Alba, un bloc régional latino-américain fondé par le Venezuela et Cuba, ont «catégoriquement» condamné samedi une éventuelle intervention militaire en Syrie et annoncé l'envoi d'une aide humanitaire aux réfugiés au Liban.

Dans une déclaration lue à Caracas par son secrétaire général Rodolfo Sanz, le conseil de l'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (Alba) «condamne catégoriquement toute action ou intention d'intervenir militairement en Syrie».

L'Alba demande aux États-Unis de «s'abstenir de toute agression militaire ou menace d'usage de la force contre le peuple et le gouvernement» syriens, accusant Washington d'employer la même stratégie contre le régime syrien qu'en Libye, Irak et Égypte.

Elle a par ailleurs décidé d'envoyer la semaine prochaine un avion chargé d'aide humanitaire pour les réfugiés syriens au Liban.

L'Alba regroupe la plupart des pays gouvernés par la gauche radicale comme le Venezuela, Cuba, l'Équateur, la Bolivie ou encore le Nicaragua, qui entretiennent des relations conflictuelles avec les États-Unis.