Jeunes, peu aguerris et en quête d'identité, environ 200 Français ont choisi depuis un an et demi de mener le djihad en Syrie, sous l'oeil des autorités françaises inquiètes d'un éventuel risque terroriste à leur retour.

«Oh mes frères d'Allah, de France, d'Europe ou du monde entier, le djihad en Syrie est obligatoire», clame Nicolas B. un Français converti âgé de 30 ans dans une vidéo récemment postée sur l'internet.

En treillis, aux côtés de son demi-frère, il prétend mener le combat pour restaurer un califat dans ce pays, où une insurrection hétéroclite se bat depuis 2011 contre le régime de Bachar al-Assad.

Au total, environ 200 Français ont tenté de rallier la Syrie, selon Loïc Garnier, chef de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste en France (UCLAT). Ils seraient 600 combattants européens, selon une étude du King's College et selon le ministère français de l'Intérieur.

Certains sont restés en transit, d'autres sont entrés en Syrie mais n'ont pas toujours réussi à s'engager. «Les groupes islamistes ne veulent pas se faire infiltrer et ces gens ne sont pas formés: le volontariat, c'est bien mais il faut un minimum de connaissances dans le maniement des armes pour être efficace», explique M. Garnier.

Il s'agit généralement d'hommes entre 20 et 30 ans, souvent d'origine maghrébine et de culture musulmane, décrit-il. «Il y a des convertis mais ils sont loin d'être la majorité». Par contre, la plupart «sont en situation d'exclusion sociale. Ils trouvent dans ce combat une nouvelle identité, une raison de vivre.»

La Syrie est devenue la principale destination de ces apprentis djihadistes parce qu'elle est facile d'accès, sans visa, par la frontière turque totalement poreuse.

Au coeur du Moyen-Orient, la Syrie est également plus emblématique que le Mali ou la Somalie où seule une poignée de djihadistes français ont été identifiés.

Contrairement à l'Irak ou l'Afghanistan, aucune armée occidentale n'est présente sur place, mais le régime de Bachar al-Assad est chiite, contrairement à l'écrasante majorité des musulmans français, qui sont sunnites.

«Auréolés du combat»

Pour s'y rendre, des réseaux de recrutement et d'entraînement existent bien dans le monde arabe, notamment en provenance de Tunisie et de Libye. «Mais ce n'est pas le cas en France», note Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Les contacts se prennent sans formalités, sur l'internet, et nombre des volontaires partent à l'aventure, sans point de chute.

Sur place, une partie meurent, d'autres font rapidement demi-tour face à la réalité d'une guerre sanglante pour laquelle ils ne sont ni formés ni équipés.

Malgré tout, «ceux qui reviennent peuvent représenter un vrai danger: ils sont auréolés du combat et captent l'attention d'un certain nombre de jeunes», relève Jean-Charles Brisard, consultant international, spécialiste des questions liées au terrorisme. «Ils peuvent ensuite facilement basculer dans le prosélytisme et la violence.»

Conscientes de ce risque, les autorités tentent de les surveiller de près. «Mais nous ne savons pas toujours quand ils rentrent», admet le chef de l'UCLAT. «Ensuite, si on veut engager un processus judiciaire, il faut prouver qu'ils ont commis là-bas des actes relevant du terrorisme et ce n'est pas si simple», dit-il.

Contrairement à l'Afghanistan, où les combattants ralliaient les rangs d'Al-Qaïda ou des Talibans, classés comme terroristes, les djihadistes de Syrie peuvent se battre aux côtés de groupuscules inconnus ou prétendre avoir aidé l'Armée syrienne libre (ASL), soutenue par l'Occident.

Seule une douzaine de personnes, soupçonnées d'avoir participé au djihad en Syrie, font actuellement l'objet d'une enquête préliminaire ou d'une enquête judiciaire, selon une source judiciaire.

Quant aux autres, la France n'a pas les moyens de les garder à l'oeil en permanence, souligne Alain Chouet, ancien haut responsable au sein de l'espionnage français et auteur de La Menace islamiste.

Le contre-espionnage «n'a que 4000 employés», précise-t-il. «Or, pour surveiller une personne 24 heures sur 24, il faut une équipe de 15 à 20 personnes.»