Un kamikaze a actionné jeudi sa ceinture d'explosifs dans une mosquée de Damas tuant 42 personnes, dont le plus célèbre dignitaire religieux sunnite pro-régime, Mohammad Saïd al-Bouti, un rude coup au pouvoir de Bachar al-Assad.

Les États-Unis ont par ailleurs affirmé jeudi qu'ils n'avaient pas trouvé trace d'éléments accréditant l'emploi d'armes chimiques en Syrie, deux jours après les accusations mutuelles du pouvoir et de l'opposition.

Le chef de l'opposition syrienne Ahmed Moaz al-Khatib a condamné l'attentat qui a aussi fait 84 blessés selon le ministère de la Santé. «C'est un crime à tout point de vue que nous rejetons complètement», a-t-il déclaré à l'AFP, ajoutant «soupçonner le régime».

Dans l'attentat le plus sanglant à Damas depuis février, un kamikaze a détoné ses explosifs lors d'un cours religieux à la mosquée Al-Imane dans le quartier de Mazraa (nord), tuant 42 fidèles dont cheikh Mohammad Saïd al-Bouti et son petit-fils, a précisé le ministère en accusant des «terroristes».

Le régime qualifie de «terroristes» les rebelles aidés dans leur combat contre les troupes du régime par des jihadistes ayant revendiqué de nombreux attentats suicide, en particulier à Damas depuis le début du conflit il y a deux ans.

L'attentat n'a pas été revendiqué mais son mode opératoire rappelle celui du réseau extrémiste Al-Qaïda.

La chaîne d'information syrienne en continu a montré des corps gisant sur le sol, des membres dispersés sur des tapis maculés de sang à la mosquée.

Membre d'une grande tribu kurde à cheval entre la Syrie, la Turquie et l'Irak, M. Bouti, né en 1929, était titulaire d'un doctorat de sciences islamiques de l'université Al-Azhar du Caire.

Cet homme frêle était célèbre en Syrie car c'est lui qui, chaque vendredi, délivrait un prêche à la télévision officielle.

Honni par l'opposition largement sunnite, il avait même été chassé d'une mosquée à Damas en juillet 2011 pour avoir déclaré: «La majorité des gens qui viennent aux prières du vendredi puis qui sortent ensuite manifester (contre le régime) ne connaissent rien à la prière».

Progression rebelle

Il s'agit d'un nouveau coup dur pour le pouvoir, car le religieux représentait un appui sunnite de poids pour un régime dominé par les alaouites, issus du chiisme.

Dans le même temps, dans le sud du pays, les rebelles ont progressé dans la partie du plateau du Golan non occupée par Israël et dans la région de Deraa.

«Ils ont lancé des attaques coordonnées dans plusieurs secteurs du Golan, prenant le contrôle de localités dans la province de Qouneitra», a déclaré à l'AFP le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.

Dans la province de Deraa, soumise à des raids de l'aviation du régime, des accrochages violents se déroulent dans plusieurs régions et les rebelles «se sont emparés du bâtiment du club des officiers», a précisé l'OSDH.

Selon une source des services de sécurité syriens, près de 2500 rebelles, entraînés et lourdement équipés, ont pénétré dans Deraa ces dernières semaines.

Début mars, l'hebdomadaire allemand Spiegel a affirmé que les Américains entraînaient des rebelles en Jordanie et le quotidien britannique Guardian a précisé que des instructeurs français et britanniques participaient à ces entraînements.

À travers le pays, les violences ont tué au moins 120 personnes jeudi, selon un bilan provisoire de l'OSDH, alors que le conflit a fait plus de 70 000 morts depuis le début mi-mars 2011 de la révolte qui s'est militarisée face à la répression.

Enquête sur armes chimiques

Mardi et pour la première fois dans ce conflit, rebelles et régime se sont accusés mutuellement d'avoir eu recours à des armes chimiques, et le pouvoir à Damas a réclamé une enquête de l'ONU.

Mais selon un responsable américain qui s'est exprimé jeudi sous couvert de l'anonymat, il n'y a «pas de signe faisant état de l'utilisation d'armes chimiques» par le régime syrien ou les rebelles. Ce responsable n'était en revanche pas en mesure de confirmer ni d'infirmer un éventuel recours à un agent incapacitant, comme par exemple du gaz lacrymogène.

Le patron de l'ONU, Ban Ki-moon, avait auparavant annoncé le lancement «dès que possible en pratique» d'une enquête sur «l'incident signalé par le gouvernement», qui a accusé l'opposition d'avoir eu recours aux armes chimiques à Khan al-Assal, près d'Alep (nord). «Je suis au courant d'autres accusations portant sur des cas similaires».

Selon l'opposition, c'est le régime qui a employé des armes chimiques à Khan al-Assal, ainsi qu'à Atayba, à l'est de Damas. Paris et Londres ont demandé une enquête sur «toutes les allégations».

En visite en Israël, le président américain Barack Obama s'est dit «très sceptique» sur un recours des opposants aux armes chimiques et a mis en garde le régime contre leur utilisation «contre le peuple syrien ou leur transfert à des groupes terroristes».