Le secrétaire d'État américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov ont tenté mardi lors d'un face-à-face à Berlin de rapprocher leurs positions sur la Syrie, pendant que Moscou pressait l'opposition syrienne de négocier avec le régime du président Bachar al-Assad.

Damas s'est aussi dit prêt, pour la première fois, à dialoguer avec les rebelles armés pour mettre fin à la guerre civile. Mais cette offre de négociations a été rejetée par les insurgés tant que M. Assad restera au pouvoir.

A deux jours d'une réunion internationale à Rome sur la Syrie, le nouveau patron de la diplomatie américaine a profité de l'étape berlinoise de sa première tournée internationale pour rencontrer M. Lavrov dans un hôtel de la capitale allemande.

M. Lavrov a fait état auprès de la presse russe à Berlin de discussions «constructives» avec M. Kerry, mais a dit «compter sur l'opposition qui va rencontrer à Rome des représentants de pays occidentaux (...) pour se déclarer aussi en faveur du dialogue» politique avec le régime syrien.

La porte-parole du département d'État Victoria Nuland a souligné auprès des journalistes voyageant avec le secrétaire d'État que les pourparlers Kerry-Lavrov avaient porté sur «la mise en oeuvre de l'accord de Genève», un plan adopté le 30 juin 2012 par le Groupe d'action sur la Syrie.

Mais les membres de ce Groupe n'ont pas la même interprétation du texte: Washington estime qu'il ouvre la voie à l'ère «post-Assad», tandis que Moscou et Pékin affirment qu'il revient aux Syriens de déterminer leur avenir.

Dernière grande puissance à entretenir des liens étroits avec le régime de Damas auquel elle livre des armes, la Russie a bloqué, avec la Chine, les trois projets de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU contre la Syrie.

Washington a fustigé pendant des mois l'intransigeance russe, avant de tempérer ses critiques. Des diplomates américains parlent maintenant du «rôle crucial» que peut jouer la Russie «pour convaincre le régime de la nécessité d'une transition politique».

Avant de se rendre à Berlin, M. Lavrov avait affirmé que des «extrémistes (avaient) pris le dessus dans les rangs de l'opposition» syrienne, les accusant de miser sur une solution militaire et d'empêcher toute tentative de dialogue politique.

Simultanément à cette activité diplomatique, de violents combats se sont poursuivis dans le nord de la Syrie, dans l'enceinte de la grande Mosquée des Omeyyades à Alep, joyau historique de la deuxième ville du pays, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

L'Unicef s'est dite «horrifiée par des informations sur la mort d'au moins 70 enfants dans des frappes de missiles ayant touché des quartiers résidentiels d'Alep les 18 et 22 février». L'Unicef y voit «l'urgence de mettre un terme à une crise qui dure depuis bientôt deux ans» et qui a fait, selon l'ONU, au moins 70 000 morts.

Damas est «prête au dialogue avec tous ceux qui veulent le dialogue, y compris les groupes armés», avait assuré lundi à Moscou le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem. Mais le chef d'état-major de l'armée rebelle en Syrie, Sélim Idriss, avait rétorqué qu'il négocierait seulement «après l'arrêt de toutes les tueries» et le départ de M. Assad.

La Coalition de l'opposition syrienne réclame aussi davantage à la communauté internationale et a menacé pendant deux jours de boycotter la réunion des «Amis du peuple syrien» à Rome jeudi. Ce rendez-vous entre des opposants syriens et les onze pays qui les soutiennent doit être le point d'orgue de la tournée de M. Kerry en Europe et dans des pays arabes. Il est arrivé à Paris mardi soir avant de se rendre mercredi dans la capitale italienne.

Depuis Londres dimanche et lundi, le secrétaire d'État avait réussi à persuader directement au téléphone le chef de la Coalition, Ahmed Moaz al-Khatib, de faire le voyage à Rome.

M. Khatib a dit avoir accepté car M. Kerry et son homologue britannique William Hague ont «promis des aides spécifiques pour soulager la souffrance de (son) peuple».

«Nous allons précisément à Rome pour nous consulter entre amis et alliés», s'est félicité à Berlin M. Kerry, qui avait récemment évoqué une prochaine initiative «diplomatique» sur la Syrie.

Washington s'en tient depuis des mois à une aide «non létale» à la rébellion, mais le gouvernement de Barack Obama a été divisé pendant l'été 2012 sur l'opportunité ou non d'armer l'opposition syrienne.

Par ailleurs, la direction de l'AFP a annoncé qu'un compte Twitter de l'agence avait été piraté par des activistes affirmant soutenir le régime de Damas.