Les rebelles progressaient samedi en Syrie, prenant des positions des troupes du régime de Bachar al-Assad dans plusieurs régions du pays en proie à un conflit marqué par des exactions des deux parties, à la veille d'une réunion cruciale de l'opposition au Qatar.

Après la condamnation internationale de vidéos montrant des rebelles tuant des soldats de sang-froid, de nouvelles images mises en ligne par l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et tournées selon lui il y a plusieurs mois dans d'autres régions du pays montrent des partisans du régime achevant des prisonniers rebelles ou mutilant des cadavres.

Cherchant à ôter au régime la maîtrise du ciel, son principal atout, des combattants rebelles ont pris pendant quelques heures le contrôle de la base de défense aérienne de Douila et attaqué l'aéroport militaire de Taftanaz, dans la région d'Idleb (nord-ouest).

À Douila, les rebelles ont fait main basse sur le stock d'armement de la base, mais ils ont dû laisser des missiles trop lourds puis se retirer quand l'aviation a bombardé le site, selon des vidéos postées par les militants.

La rébellion a également progressé à Douma, dans la banlieue de Damas, prenant le contrôle de trois importants bâtiments tenus par l'armée, selon l'OSDH.

Pour Thomas Pierret, maître de conférence à l'université d'Édimbourg et expert de la Syrie, «les avancées des rebelles dans le Nord paraissent irréversibles».

«Depuis la prise de la ville stratégique de Maaret al-Noomane il y a trois semaines, le régime n'a fait que perdre du terrain dans la région et les forces que le régime conserve dans le Nord sont totalement consacrées à la défense d'Alep», la grande métropole en proie à des combats depuis trois mois.

En revanche, les progrès rebelles à Douma sont plus fragiles: «C'est une démonstration de force des rebelles, qui reprennent l'initiative et leurs gains soulignent également le manque d'effectifs dont souffre l'armée, incapable de tenir ses positions sur le moyen terme. Mais le régime garde à Damas suffisamment de troupes loyales, bien entraînées et bien équipées pour mener une nouvelle contre-offensive dévastatrice», estime M. Pierret.

Samedi, les violences ont fait au moins 168 morts -- 66 civils, 54 soldats et 48 rebelles --, selon un bilan provisoire de l'OSDH, qui a recensé plus de 36.000 tués depuis mars 2011. Basé au Royaume-Uni, l'OSDH s'appuie sur un réseau de militants et de sources médicales dans les hôpitaux civils et militaires.

Guerre des images

Si la rébellion progresse sur le terrain, l'opposition peine à s'organiser. Dimanche, elle se réunit à Doha autour du Conseil national syrien (CNS) alors que Washington fait pression pour que cette coalition surmonte ses divisions et élargisse sa représentativité.

Pour préparer la réunion, une vingtaine d'opposants appartenant ou pas au CNS, dont des représentants des Kurdes, de la gauche et des Frères musulmans, se sont retrouvés jeudi à Amman, où ils ont proposé la création d'une nouvelle instance regroupant toutes les tendances politiques ainsi que la mise en place à terme d'un gouvernement en exil.

La nouvelle instance devrait regrouper «les 14 membres du bureau exécutif du CNS, trois membres du Conseil national kurde, des représentants locaux civils et militaires, des figures historiques de l'opposition, et des dignitaires religieux», selon un porte-parole, Mohammed al-Otri.

Parallèlement, le quotidien gouvernemental syrien As-Saoura a exclu toute négociation avec le CNS, le qualifiant de regroupement «de mercenaires».

Au lendemain du tollé international suscité par une vidéo montrant des rebelles achevant de sang-froid des soldats blessés, l'OSDH a diffusé des images montrant cette fois des combattants pro-régime découpant les oreilles de cadavres et tirant sur des prisonniers.

Selon l'OSDH, la première vidéo a été tournée en juillet dans la région de Lattaquié (nord-ouest). Elle montre un homme en treillis brandissant une oreille et un couteau en riant. «Voilà l'oreille d'un chien, on va leur donner une leçon», lance l'homme face à la caméra, faisant allusion aux rebelles.

Un peu plus loin, sept hommes aux corps très mutilés, apparemment morts, sont étendus sur le sol. Un homme en treillis s'approche d'un des cadavres et lui découpe l'oreille avec un couteau devant la caméra. «Fais pas ça, nous sommes (avec) le régime», dit un autre.

L'autre vidéo, tournée en février à Deraa (sud) selon l'OSDH, montre des individus, certains en civil et d'autres en treillis, achever à l'arme automatique des hommes qu'ils présentent comme des rebelles.

À Damas, l'avocat Anouar Bounni, directeur du Centre syrien pour les études et la recherche en droit, s'est dit samedi très inquiet pour la santé de son collègue Khalil Maatouq, arrêté il y a un mois, et des amis de l'écrivain Daher Ayta, critique envers le régime, ont annoncé qu'il avait été interpellé jeudi.