La Syrie était emportée dimanche dans une nouvelle spirale de violences avec des raids de l'armée de l'air et des attaques rebelles, enterrant définitivement la trêve espérée par le médiateur Lakhdar Brahimi qui se prépare à présenter de nouvelles «idées».

Depuis vendredi, jour où la trêve devait entrer en vigueur, plus de 300 personnes ont péri à travers le pays, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Après avoir fait 146 morts vendredi et 114 samedi, les violences ont tué dimanche au moins 52 personnes -29 civils, 10 soldats et 13 rebelles-, selon un bilan provisoire de l'OSDH, organisation basée au Royaume-Uni et s'appuyant sur un réseau de militants et de sources médicales dans les hôpitaux civils et militaires de Syrie.

M. Brahimi, qui avait oeuvré pour un cessez-le-feu pendant les quatre jours de la fête musulmane de l'Aïd Al-Adha de vendredi à lundi, doit revenir en novembre devant le Conseil de sécurité de l'ONU avec «quelques idées d'action» pour amener le président Bachar al-Assad et l'opposition à la table des négociations, ont affirmé à l'AFP des diplomates onusiens.

Mais ni le régime ni les rebelles ne semblent prêts à faire taire leurs armes, en dépit des 35 000 morts enregistrés en plus de 19 mois d'une révolte devenue conflit armé, selon l'OSDH.

L'armée a une nouvelle fois accusé dimanche les rebelles, qu'elle qualifie de «terroristes», d'être responsables de l'échec de la trêve proposée.

Évoquant «les violations insolentes du cessez-le-feu par les groupes terroristes», elle a souligné dans un communiqué qu'elle les «frappait d'une main de fer pour les éradiquer et sauver la nation».

L'opposition armée a qualifié de son côté l'initiative de M. Brahimi de «mort-née» en raison des bombardements incessants menés par le régime.

Selon un diplomate à l'ONU, «le processus politique ne débutera pas avant qu'Assad et l'opposition se soient tellement battus qu'ils n'aient plus d'autre choix. Ils n'en sont pas encore là, mais Brahimi a quelques idées».

L'armée syrienne, qui tente de reprendre des bastions rebelles, a mené un raid sur le village d'Al-Bara dans la province d'Idleb (nord-ouest), tuant au moins seize personnes, dont sept enfants et cinq femmes, selon l'OSDH.

Dans la province de Damas, l'aviation a aussi lancé trois raids sur Erbine, Zamalka et Harasta, au nord-est de la capitale, où sont retranchés de nombreux rebelles, a indiqué l'OSDH. De leur côté, les insurgés ont pris le contrôle de trois postes de l'armée à Douma, près de Damas, selon la même source.

À Damas, deux attentats à la voiture piégée ont été commis l'un dans le quartier de Barzé (nord-est) et l'autre dans la banlieue sud-est de la capitale à Sbeineh, selon l'OSDH, qui n'a pas fait état de victimes dans l'immédiat.

Factions islamistes

Dans le nord-ouest du pays, les rebelles ont détruit un char et tué trois soldats lors de combats à l'entrée de Maaret al-Noomane, ville stratégique qu'ils contrôlent depuis début octobre mais que l'aviation continue de bombarder.

À Alep, des combats ont eu lieu entre l'armée et des factions islamistes de la rébellion comme le «Bataillon des soldats de Mahomet», les «Bataillons de l'islam» ou encore l'influent Front al-Nosra, qui a revendiqué de multiples attentats suicide depuis le début de la révolte, selon l'OSDH.

Ces groupes, qui ne relèvent pas directement de l'Armée syrienne libre (ASL), sont souvent les mieux organisés et les mieux armés.

Le Front al-Nosra, qui avait à l'avance refusé la trêve, a rejeté dans un communiqué toute responsabilité dans l'attentat qui a fait au moins huit morts vendredi à Bagdad et accusé le régime de cette attaque «méprisable et obscène».

À La Mecque, où des millions de pèlerins effectuaient dimanche les derniers rites du hajj, des milliers de Syriens brandissaient le drapeau de la révolution et scandaient des slogans hostiles au régime, selon une journaliste de l'AFP.

La Syrie n'a pas envoyé de ressortissants cette année à La Mecque faute d'accord avec Ryad, mais l'Arabie saoudite a accordé 10 000 visas de hajj aux réfugiés syriens au Liban, en Turquie et en Jordanie.

«Que Bachar connaisse le même sort que (Mouammar) Kadhafi», ont scandé les fidèles, en référence au dirigeant libyen mort après avoir lutté des mois contre une rébellion armée l'an dernier.

Si Ryad soutient l'opposition syrienne, Téhéran est l'un des principaux alliés du régime de Damas. Dimanche, les autorités irakiennes ont annoncé avoir pour la deuxième fois en un mois fait atterrir un avion cargo iranien survolant son territoire à destination de la Syrie pour vérifier qu'il ne transportait pas d'armes, avant de le laisser repartir.

Les trêves tenues en échec

De nombreuses initiatives ont été prises sur le plan international, mais aucun projet de trêve n'a réussi à faire taire les armes en Syrie.

Des combats acharnés opposent forces gouvernementales et rebelles depuis qu'un soulèvement populaire contre le régime de Bachar al-Assad lancé le 15 mars 2011 s'est transformé en insurrection armée face à la répression. Ces violences ont fait, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), plus de 35 000 morts en 19 mois.

2011

- 26 déc: Arrivée des premiers observateurs arabes pour surveiller l'application d'un plan de sortie de crise de la Ligue arabe prévoyant l'arrêt des violences, la libération des détenus, le retrait de l'armée des villes et la libre circulation dans le pays pour les observateurs arabes et la presse. Damas avait accepté ce plan le 2 novembre, tout en continuant de réprimer dans le sang la révolte. Aucune de ces clauses ne sera mise en oeuvre par Damas.

2012

- 28 jan: La Ligue arabe reconnaît l'échec de sa mission controversée d'observateurs, le secrétaire général de l'organisation panarabe, Nabil al-Arabi, accusant le régime d'avoir «choisi l'option de l'escalade».

Le 12 février, la Ligue arabe met fin à la mission de ses 165 observateurs.

- 21 mars: Déclaration du Conseil de sécurité soutenant le plan de l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe Kofi Annan. Outre un cessez-le-feu, le plan prévoit le retour de l'armée dans les casernes, la libération des détenus, le respect du droit à manifester, un dialogue pouvoir/opposition et la libre circulation pour les humanitaires et la presse.

- 12 avr: Entrée en vigueur du cessez-le feu, prévu par le plan Annan, officiellement accepté par le régime et les insurgés. Les 14 et 21, deux résolutions du Conseil de sécurité (2042 et 2043) sont adoptées, les premières depuis le début de la crise, autorisant le déploiement de 30 puis de 300 observateurs pour surveiller le cessez-le-feu. Mais la trêve vole en éclats au bout de quelques heures.

Le 16 juin, le chef des observateurs de l'ONU annonce «la suspension» de leur mission en raison de l'«intensification de la violence». A plusieurs reprises, ceux-ci avaient indiqué avoir été empêchés de se rendre dans certaines régions et avoir été pris pour cible dans leur mission.

- 19 juil: 3e double veto russo-chinois au Conseil de sécurité de l'ONU à une résolution occidentale menaçant le régime de sanctions.

- 2 août: Démission de Kofi Annan, qui fustige le manque de soutien des grandes puissances à sa mission. Le 17, l'ex-ministre algérien Lakhdar Brahimi est nommé pour le remplacer.

- 26 oct: La trêve, initiée par Lakhdar Brahimi à l'occasion de la fête musulmane d'Aïd al-Adha, vole en éclats au bout de quelques heures. Le 28, nouvelle spirale de violences avec des raids de l'armée de l'air et des attaques rebelles. Près de 300 morts depuis vendredi (OSDH).