L'armée a lancé lundi des attaques dans plusieurs régions de Syrie faisant également des morts, dont un journaliste, en Turquie et au Liban voisins à quelques heures d'une date butoir de l'ONU pour un retrait en vue d'un cessez-le-feu qui paraît de plus en plus compromis.

Les espoirs se sont réduits après que le régime de Bachar al-Assad ait affirmé dimanche qu'il ne retirerait pas ses troupes mardi comme prévu par le plan de l'ONU à moins de disposer de «garanties écrites» des combattants rebelles, qu'il assimile à des «terroristes».

Les insurgés ont renvoyé la balle au régime, se disant prêts à respecter le cessez-feu si Damas faisait de même, alors que de nouvelles violences ont fait 55 morts lundi, dont 35 civils dans les seuls bombardements sur la province de Hama (centre), où l'armée a mené des raids aériens, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

«Nous annonçons la cessation de nos opérations contre l'armée du régime à partir du matin du 10 avril et nous respecterons cette promesse si le régime s'engage à respecter les clauses du plan», a déclaré à l'AFP le colonel Kassem Saadeddine, porte-parole de l'Armée syrienne libre (ASL).

Dimanche, le colonel Riad al-Assaad, chef de l'ASL, avait réaffirmé être «engagé envers le plan Annan» tout en précisant que ses garanties étaient réservées à la communauté internationale, pas au régime.

Pékin, allié de Damas, a exhorté chacun à respecter ses «engagements».

L'ONU avait annoncé le 2 avril que Damas avait accepté le plan en six points de l'émissaire Kofi Annan, qui l'oblige à retirer ses chars au plus tard mardi matin, en préalable à un cessez-le-feu général prévu dans les 48 heures suivantes.

«Le régime pensait que (d'ici le 10 avril), il reprendrait le contrôle des villes (rebelles). Comme ce n'est pas le cas, il essaie de gagner du temps», estime Rami Abdel Rahmane, président de l'OSDH. «Si le plan Annan ne marche pas, rien ne va marcher et la Syrie va plonger dans une longue guerre civile».

Le Liban, dont le gouvernement est dominé par le Hezbollah, un allié de Damas, a appelé la Syrie à ouvrir une enquête sur la mort d'un caméraman de la chaîne Al Jadeed touché à la frontière entre les deux pays, par des tirs de l'armée de Bachar al-Assad, selon cette télévision privée libanaise.

Le premier ministre libanais Najib Mikati a condamné cet incident et a réclamé avec le président Michel Sleimane une enquête pour déterminer les responsabilités dans la mort du journaliste, le premier à avoir été tué sur cette frontière depuis le début mi-mars 2011 d'une révolte populaire en Syrie qui s'est militarisée au fil des mois face à une répression sanglante.

En Turquie, où l'émissaire Annan doit visiter mardi deux camps accueillant 25 000 réfugiés syriens à Hatay (sud), deux Syriens et un interprète turc ont été blessés par des tirs «provenant du territoire syrien», a annoncé à l'AFP un diplomate turc.

Après cet incident, le premier du genre depuis le début de la révolte en Syrie, un responsable des Affaires étrangères turques a demandé au chargé d'affaires syrien «que ces tirs cessent immédiatement», selon un diplomate turc.

Deux autres Syriens sont décédés en Turquie après avoir été blessés dans la province d'Alep (nord).

Selon l'OSDH, l'armée bombardait des localités des provinces de Deir Ezzor (est) et d'Alep (nord), où des affrontements entre soldats et déserteurs ont éclaté près de la frontière turque.

À Damas, une femme a été arrêtée dimanche pour avoir brandi devant le Parlement une pancarte dénonçant les «tueries» en Syrie, selon l'avocat des droits de l'homme Anouar Bounni.

«Il semble évident que le plan Annan ne sera pas appliqué», a estimé le vice-ministre turc des Affaires étrangères Naci Koru, cité par l'agence Anatolie. «Une nouvelle période commencera à partir de demain», a-t-il prévenu.

Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, un proche de Damas devenu très critique, a menacé de prendre des «mesures» si la répression se poursuivait.

Le journal turc Milliyet affirme que si le nombre de réfugiés dépasse les 50 000, Ankara envisagera la création de «couloirs humanitaires» à la frontière, protégés par l'armée turque.

Selon l'OSDH, les violences ont fait plus de 10 000 morts en un an et plus de 100 000 personnes sont ou ont été détenues pendant cette période.

Human Rights Watch a accusé les forces et les milices du régime d'avoir mené au moins une centaine d'exécutions sommaires ces dernières semaines dans les seules provinces de Homs (centre) et d'Idlib (nord-ouest).

En Arabie saoudite, le conseil des ministres et le roi Abdallah ont dit «profondément regretter l'escalade dans les actes de violence provoquée par le régime», estimant que «le non-respect du plan Annan démontre le degré d'entêtement du régime».

Selon la presse syrienne, le ministre des Affaires étrangères, Walid Mouallem, se rendait lundi à Moscou pour des entretiens avec son homologue Sergueï Lavrov au sujet de la mission Annan.