Les violences faisaient rage jeudi en Syrie avec la mort d'une trentaine de personnes, dont dix civils tués dans un bus, malgré un appel du Conseil de sécurité de l'ONU à cesser le feu, critiqué par l'opposition.

Le pouvoir syrien, qui réprime sans répit une révolte lancée il y a plus d'un an, n'a pas encore réagi à la déclaration de l'ONU «exhortant» le président Bachar al-Assad et ses opposants à «appliquer immédiatement» un plan de sortie de crise de Kofi Annan, émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe.

Damas a au contraire accentué la répression, comme à chaque nouvelle initiative diplomatique visant à mettre fin à l'effusion de sang qui a coûté la vie à plus de 9000 personnes, en majorité des civils, depuis le 15 mars 2011, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Jeudi matin, les troupes gouvernementales ont lancé des assauts contre plusieurs villes rebelles, utilisant l'artillerie lourde et tuant au moins 14 civils, selon l'OSDH.

À Sarmine, dans la province d'Idleb (nord-ouest), «nous avons répondu aux tirs des blindés avec tout ce que nous avions à notre disposition mais cela n'a servi à rien», ont expliqué les rebelles. «Nous combattons désormais au corps à corps», a affirmé à l'AFP Abou Adel, un commandant rebelle dans cette ville.

Les chars de l'armée bloquaient aussi la route vers Bineche, la ville voisine, empêchant l'évacuation des blessés et la fuite des civils, a rapporté Abou Salem, lui aussi engagé dans les combats à Sarmine.

Sur cette route menant vers la Turquie, «les forces gouvernementales ont tiré sur un bus transportant des réfugiés», faisant 10 morts, dont deux femmes et trois enfants, selon des militants.

En outre, 12 soldats ont été tués lors d'affrontements avec des déserteurs dans la province d'Idleb, à Qousseir (centre) et dans la région de Lattaquié, sur la côte méditerranéenne, selon l'OSDH.

Des combats ont également eu lieu dans la province de Deraa (sud), et à Hama (centre), où de nombreux civils ont également été blessés par les tirs de l'armée, selon la même source.

L'organisation Human Rights Watch a accusé les troupes gouvernementales d'utiliser à Qousseir et dans les villes de la province d'Idleb la même stratégie qu'à Homs: bombardements, tireurs embusqués et attaques de civils qui tentent de fuir.

La région de Damas, gagnée ces derniers temps par les affrontements entre soldats et déserteurs de l'Armée syrienne libre (ASL), est désormais dotée d'un conseil militaire rebelle chargé «des opérations» contre l'armée, a annoncé dans une vidéo le colonel dissident Khaled Mohamed al-Hamoud.

La révolte populaire s'est militarisée au fil des mois, l'ASL disant avoir pris les armes pour défendre les civils et leurs villes, face à la machine de guerre du régime et à l'impuissance de la communauté internationale à l'arrêter.

Mais la rébellion manque de moyens militaires pour résister aux chars et à l'artillerie des 300 000 soldats, des milices et du million d'agents des renseignements dont dispose le régime.

Face à cette escalade, le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a dénoncé la déclaration de l'ONU, qui «donne l'opportunité à Assad de poursuivre sa politique de destruction pour écraser la révolution du peuple syrien».

«Aucun compromis n'est possible avec le régime», a insisté Samir Nachar, membre du bureau exécutif du CNS, réaffirmé qu'aucune solution n'était envisageable avant le départ de M. Assad.

Le plan proposé par M. Annan prévoit «un arrêt de toutes les formes de violence armée par toutes les parties» sous supervision de l'ONU dont une équipe est déjà sur place, «l'acheminement de l'aide humanitaire» et la libération des «personnes arbitrairement détenues».

Dans la pratique, le régime «devrait mettre immédiatement fin aux mouvements de troupes en direction des agglomérations» et commencer à retirer ses hommes des villes. Entretemps, M. Annan «s'emploierait» à ce que les rebelles «s'engagent de même à arrêter les combats».

Une déclaration du Conseil a moins de poids qu'une résolution mais elle a l'avantage d'avoir obtenu l'aval des 15 membres, dont la Russie et la Chine, des alliés de Damas qui ont déjà opposé leur veto à deux résolutions.

En plus de cet appel, la Turquie, qui accueille le 1er avril une nouvelle réunion des «Amis de la Syrie», a jugé nécessaire un «plan d'action» international pour mettre fin à la «tragédie humaine» en Syrie.

Auparavant, les diverses composantes de l'opposition, qui peine à afficher un front uni, doivent se retrouver en début de semaine prochaine à Istanbul pour coordonner leurs revendications.

Et pour accroître la pression sur le régime, l'Union européenne va adopter vendredi de nouvelles sanctions qui viseront notamment Asma al-Assad, l'épouse du président, dont les avoirs seront gelés et les déplacements interdits dans l'UE.

Parallèlement, Amnesty international s'est inquiété du sort d'Abdallah al-Khalil, un avocat des droits de l'Homme détenu au secret depuis près de deux mois, évoquant de possibles tortures.