Le président tunisien Moncef Marzouki a appelé vendredi à la création d'une «force arabe» en Syrie pour «accompagner les efforts diplomatiques» et évoqué un éventuel refuge en Russie pour le président Bachar Al-Assad, à l'ouverture d'une conférence à Tunis réunissant 60 pays.

«La situation actuelle exige une intervention arabe dans le cadre de la Ligue arabe, une force arabe pour préserver la paix et la sécurité, et pour accompagner les efforts diplomatiques pour convaincre Bachar de partir», a déclaré M. Marzouki dès l'ouverture de la conférence, boycottée par Moscou et Pékin.

Il a également demandé que soit accordée «l'immunité judiciaire» au président syrien Bachar Al-Assad et sa famille, et évoqué un éventuel refuge en Russie pour le dirigeant syrien.

«Il faut chercher une solution politique, comme accorder au président syrien, sa famille et des membres de son régime une immunité judiciaire et un endroit pour se réfugier que la Russie peut offrir», a déclaré M. Marzouki.

Les participants à la conférence de Tunis doivent également aborder un plan d'aide humanitaire, un début de reconnaissance de l'opposition syrienne, le soutien à la transition démocratique.

Les pays de la Ligue arabe, l'Union européenne, les États-Unis, représentés par la secrétaire d'État Hillary Clinton, la Turquie et différentes composantes de l'opposition syrienne ont commencé à discuter ces problématiques dans un hôtel de la banlieue nord de Tunis.

A Damas, la télévision d'État a aussitôt qualifié les pays réunis vendredi à Tunis d'«ennemis de la Syrie» ou encore d'«amis des États-Unis et d'Israël».

Le chef de la diplomatie tunisienne Rafik Abdessalem a déclaré que la communauté internationale va «transmettre un message fort et clair» au président syrien Bachar Al-Assad pour «arrêter les crimes en Syrie».

L'urgence, pour la communauté internationale, est de trouver les moyens de venir en aide au peuple syrien, écrasé par la répression du régime -plus de 7600 morts en onze mois- et coupé du monde, particulièrement à Homs, ville pilonnée sans relâche depuis trois semaines.

Quatre-vingt-six personnes, en majorité des civils, ont été tuées à travers le pays pour la seule journée de jeudi, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, et deux civils ont déjà été tués vendredi matin par des bombardements à Homs.

Condamnation de la répression

Selon une ébauche de la déclaration finale relayée par des sources de l'opposition syrienne, la conférence pourrait appeler les autorités de Damas à mettre en oeuvre un appel à cesser les violences et permettre l'accès des agences humanitaires aux populations en détresse.

D'autres options telles que la création de zones sécurisées dans les régions frontalières de la Syrie, défendue par l'opposition ou l'idée de «corridors humanitaires» soutenue par Paris mais rejetée par Moscou pourraient être évoquées.

Jusqu'à présent, «les discussions les plus avancées portent sur une trêve quotidienne de quelques heures» proposée par le Comité international de la Croix-Rouge, selon un diplomate européen.

«Nous demandons aujourd'hui l'ouverture de voies de passage pour les convois humanitaire», depuis le Liban, la Jordanie et la Turquie, a indiqué la porte-parole du Conseil national syrien (CNS, principale composante de l'opposition) Basma Kodmani.

Le chef de la diplomatie française Alain Juppé a pour sa part appelé solennellement les autorités de Damas à permettre l'évacuation des journalistes coincés à Homs, particulièrement la Française Édith Bouvier, blessée, qui doit être «évacuée le plus vite possible».

La conférence de Tunis condamnera de nouveau la répression et apportera son soutien au plan de la Ligue arabe qui prévoit les étapes d'une transition démocratique à Damas. Ce plan avait déjà été endossé par une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU le 16 février.

Enfin, la réunion devrait consacrer l'opposition syrienne, en appuyant particulièrement sa principale composante, le Conseil national syrien (CNS).

Sans aller jusqu'à une reconnaissance formelle, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a apporté jeudi un soutien de poids au CNS, en jugeant qu'il était «crédible» et offrait une «alternative» au régime de Bachar Al-Assad.

L'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, nommé jeudi «émissaire conjoint des Nations unies et de la Ligue arabe sur la crise en Syrie», a souhaité vendredi la «pleine coopération de tous les acteurs concernés».

«La partie russe est prête à une coopération étroite avec lui pour chercher les voies vers un règlement acceptable pour tous», a fait savoir Moscou.

La conférence de Tunis intervient aussi alors que l'ONU a affirmé jeudi disposer d'une liste de hauts responsables politiques et militaires soupçonnés de «crimes contre l'humanité» en Syrie.