La Ligue arabe, sous pression pour saisir l'ONU du dossier syrien, devrait prolonger d'un mois sa mission en Syrie malgré les critiques grandissantes quant à son incapacité à mettre fin à dix mois d'effusion de sang.

Le chef des observateurs, Mohammed Ahmed Moustapha al-Dabi, doit présenter dimanche au Caire à la Ligue arabe un rapport sur la base duquel l'organisation décidera de la suite à donner à la mission, sur le terrain depuis le 26 décembre.

Selon le chef adjoint de la cellule de la Ligue arabe chargée de la mission, Ali Jaroush, «tout indique que la mission (...) sera prolongée d'un mois», le premier mois ayant été «en partie consacré aux préparatifs logistiques».

Un autre responsable, s'exprimant sous couvert de l'anonymat, a indiqué que le nombre d'observateurs serait porté «à quelque 300», soit quasiment le double du chiffre actuel.

«De nombreux pays arabes ont rejeté l'idée d'envoyer des troupes arabes en Syrie», comme l'avait proposé le Qatar, a-t-il ajouté.

Le quotidien officiel syrien oi a reproché samedi à ce pays d'avoir tenté d'utiliser à ses propres fins la mission arabe et d'être téléguidé par Washington.

Après plus de dix mois de révolte contre le régime et plus de 5400 morts dans la répression selon l'ONU, plusieurs mouvements d'opposition ont réclamé une saisine de l'ONU, allant dans le sens des demandes occidentales.

Le chef du Conseil national syrien (CNS), le plus important groupe de l'opposition, Burhan Ghalioun, était au Caire samedi pour tenter de faire pression sur la Ligue arabe, qui n'a pas été capable selon lui de mener à bien sa mission.

Il doit demander au secrétaire général de la Ligue, Nabil al-Arabi, «le transfert du dossier syrien au Conseil de sécurité», a déclaré le porte-parole du CNS, Mohammed Sermini, à l'AFP.

M. Ghalioun a estimé que la mission était incapable de présenter un rapport «objectif» sur la réalité des événements en Syrie.

«Les conditions ayant été à l'origine de la création de cette mission, les moyens dont elle dispose et les circonstances qui entourent sa tâche ne lui permettent pas de présenter un rapport objectif, reflétant la situation réelle en Syrie», a dit M. Ghalioun à la presse.

Selon des «fuites», le rapport indique que les observateurs sont dans l'incapacité de déterminer qui perpétuent les tueries, a en outre déploré M. Sermini.

Les observateurs ont été déployés après l'accord donné par Damas à un protocole régissant leur mission, qui prévoit un arrêt des violences, le retrait des chars des villes et le déplacement libre des médias étrangers. Mais aucune de ces trois clauses n'a été respectée.

Sur le terrain, neuf militaires ont été tués samedi dans des affrontements avec des déserteurs dans la ville de Maaret al-Noaman (centre), a annoncé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Quinze prisonniers ont péri dans l'explosion d'un engin piégé visant le camion qui les transportait dans la région d'Idleb (nord-ouest), toujours selon l'OSDH.

Dans sa version des faits, l'agence officielle Sana a indiqué qu'«un groupe terroriste armé a visé un véhicule des forces de l'ordre transportant des détenus dans la région de Mastoumé, faisant 14 morts et 26 blessés parmi les passagers».

L'agence Sana a par ailleurs rapporté que trois membres d'un «groupe terroriste» qui voulaient faire entrer des armes en Syrie depuis le Liban avaient été tués dans la nuit de vendredi à samedi par les forces de sécurité syriennes près de la frontière.

De son côté, le porte-parole de l'Armée syrienne libre (ASL) a dit redouter une offensive de l'armée régulière contre la ville insurgée de Zabadani (nord-ouest de Damas), d'où elle s'est récemment retirée.

«Les armes en notre possession ne permettent pas une confrontation avec l'armée régulière. On continuera à faire des opérations éclairs (...) et des embuscades à but défensif pour protéger les civils de Zabadani», a ajouté le commandant Maher Noueimi.

En raison de la «dégradation de la sécurité», Washington a indiqué envisager de fermer son ambassade en Syrie.

«Nous sommes vraiment inquiets quant à la dégradation de la sécurité à Damas --notamment après la récente augmentation des (attentats) à la voiture piégée-- et quant à la sécurité de notre personnel diplomatique», a indiqué le département d'Etat.

Un attentat suicide, imputé par les autorités à des «terroristes» et par des opposants au régime, avait fait 26 morts le 6 janvier à Damas, où un double attentat à la voiture piégée avait déjà fait 44 morts et 150 blessés le 23 décembre.

Par ailleurs, une figure clé de la contestation, Souheir al-Atassi, qui vivait dans la clandestinité, a annoncé, dans une interview à Mediapart, avoir quitté la Syrie.