Le guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badie, a été arrêté hier et aussitôt remplacé par un adjoint jugé «radical» par les experts. Qu'adviendra-t-il de cette organisation qui joue un rôle important dans une grande partie du monde musulman? La Presse fait le point.

Q : Qui est Mohamed Badie et pourquoi a-t-il été arrêté?

R : Terré dans son appartement du Caire, Mohamed Badie, 70 ans, a été a arrêté hier en Égypte. Il est actuellement en détention préventive et sera jugé dimanche pour «incitation au meurtre».

«Mohamed Badie est le guide suprême affiché et déclaré des Frères musulmans, explique Sami Aoun, spécialiste du monde arabe à l'Université de Sherbrooke. Il est hors de la mêlée, il n'est pas considéré comme le chef politique, mais plutôt comme un orienteur.»

Depuis le coup d'État en juillet, un mandat d'arrêt avait été lancé contre lui, ce qui n'a pas empêché l'homme d'apparaître brièvement lors d'une manifestation pro-Morsi pour «demander aux millions d'Égyptiens de continuer d'occuper les rues».

Vétérinaire de formation, il était peu connu du public avant 2010. Dans le passé, il a été longtemps chargé de «l'éducation idéologique» des jeunes au sein de la confrérie des Frères musulmans. Il a été condamné à de multiples reprises, dont en 1965 pour complot afin de renverser le pouvoir.

Q : Qui est Mahmoud Ezzat?

R : Dans les heures qui ont suivi l'emprisonnement de Mohamed Badie, Mahmoud Ezzat, 69 ans,a été nommé pour remplacer «temporairement» le guide suprême. Frère et chef adjoint de Badie dans la confrérie des Frères musulmans, le nouveau guide est vu comme un radical, estime Rachad Antonius, sociologue et spécialiste du monde arabe à l'UQAM.

«C'est un professeur et médecin qui n'est pas du tout modéré, explique le spécialiste. Il était peu connu parce que c'était un homme austère, qui ne parle pas beaucoup. Mais, semble-t-il, il tirait beaucoup de ficelles à l'arrière-plan.»

Q : Qui sont Les Frères musulmans?

R : Créée en 1928, la confrérie des Frères musulmans est une organisation qui joue un rôle important, non seulement en Égypte, mais aussi dans des pays comme la Syrie, la Tunisie et les territoires palestiniens. En Égypte, après six jours de répression sanglante des partisans de Mohamed Morsi, des experts estiment que les Frères musulmans sont en train de livrer une véritable guerre à l'opinion publique, où ils pourraient devenir les «bourreaux», après avoir voulu jouer les «victimes».

«Ma lecture, c'est qu'ils sont prêts [les Frères musulmans] à sacrifier certains de leurs membres en ayant une stratégie de confrontation: ils vont forcer la police et l'armée à réagir pour se positionner en victime. Reste à voir qui va gagner la guerre de l'opinion publique», constate Sami Aoun, spécialiste du monde arabe.

Une situation qui pourrait provoquer «la perte d'influence des Frères musulmans qui s'incarne notamment par un blocage en Syrie, en Libye. Et, en Tunisie, ils sont en train de partager le pouvoir... mais difficilement», décrit-il.

«S'il y a plus de sang, la population va demander à l'institution militaire: quel est votre plan de sortie? Les Frères musulmans vont également peser leurs gains et leurs pertes. S'ils voient qu'ils conservent des appuis sous la pression de la diplomatique européenne et américaine, ils vont continuer la bataille», pense l'expert.