La police égyptienne a été frappée lundi par l'attaque la plus meurtrière depuis des années dans le pays avec au moins 25 morts dans le Sinaï, en pleine crise entre l'armée et les partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi.

Alors que plus de 800 personnes, essentiellement des manifestants pro-Morsi, ont été tuées dans le pays en six jours, les violences ont encore connu une nouvelle escalade avec cet attentat dans la péninsule instable du Sinaï, après la mort dimanche soir de 37 prisonniers islamistes.

Et la crise pourrait encore s'aggraver tant les deux parties campent sur leurs positions. Les pro-Morsi ont appelé à de nouvelles manifestations au Caire après la prière de l'après-midi (vers 14 h GMT, 10 h à Montréal) et l'homme fort du pays, le général Abdel Fattah al-Sissi, a promis une réponse «des plus énergiques» aux islamistes ayant fait le choix de la «violence».

Dans le pays, les médias unanimes et une grande partie de la population qui considèrent désormais les Frères musulmans, l'influente confrérie de M. Morsi, comme des «terroristes», soutiennent la méthode forte de l'armée, qui a suscité à l'étranger une vague de critiques de plus en plus virulentes.

Amnistie Internationale a dénoncé un «carnage total», et déploré la «faiblesse» des réactions internationales, alors que l'Union européenne, dont les dirigeants se sont dits prêts à «réexaminer» leurs relations avec Le Caire et ont assuré que le retour au calme était de la responsabilité des autorités, tiendra une réunion ministérielle mercredi sur le sujet.

L'Arabie saoudite, la Jordanie et l'Autorité palestinienne ont de leur côté dit soutenir les autorités «contre le terrorisme», un avis partagé par Israël. En revanche, le chef de la diplomatie britannique William Hague a estimé que les troubles au Moyen-Orient pourraient durer «des décennies».

Dans la péninsule désertique du Sinaï, devenue la base arrière de nombreux groupes islamistes armés, des assaillants ont attaqué lundi à la roquette deux minibus de la police, tuant au moins 25 policiers qui se rendaient à Rafah.

Le gouvernement a qualifié de «terroriste» cette attaque qui a été condamnée par Berlin. Un autre policier a été tué à Al-Arich, la capitale régionale du Nord-Sinaï.

L'Égypte a de nouveau fermé le point de passage de Rafah avec la bande de Gaza contrôlée par les islamistes du mouvement palestinien Hamas.

Les attaques de lundi au Sinaï portent à 75 le nombre de membres des forces de l'ordre tués dans cette région instable depuis la destitution de M. Morsi, selon un décompte de l'AFP. Elles rappellent la violence islamiste orchestrée par les groupes al-Jihad et al-Gamaa al-Islamiya, qui avait fait 1300 morts dans les années 1990.

Cette attaque intervient au lendemain de l'annonce par la police de la mort de 36 détenus, tous des Frères musulmans, asphyxiés par du gaz lacrymogène pendant une tentative d'évasion. Ces détenus se trouvaient dans un convoi transportant plus de 600 prisonniers islamistes.

Les autorités annoncent chaque jour l'arrestation de dizaines de membres de la confrérie, dont de hauts dirigeants, pour «violence», en particulier contre des bâtiments publics ou des églises.

Dans un communiqué en anglais, les Frères musulmans ont estimé que la mort des détenus confirmait «la violence intentionnelle visant les opposants au coup d'État et l'assassinat de sang-froid dont ils sont les cibles».

Dimanche, les pro-Morsi avaient annulé des cortèges au Caire, invoquant des raisons de sécurité. Les manifestants islamistes redoutent à la fois d'être la cible des forces de l'ordre, désormais autorisées à tirer sur les manifestants hostiles, et des groupes d'autodéfense de résidants qui s'en prennent depuis plusieurs jours à leurs partisans et aux journalistes étrangers accusés d'avoir pris leur parti.

Face aux craintes de la montée du phénomène de justice de rue et dans un apparent geste d'apaisement, le gouvernement a cependant annoncé dimanche l'interdiction de ces «comités populaires».

Même si l'état d'urgence et le couvre-feu nocturne restaient en vigueur, le trafic a repris lundi matin au Caire, qui a retrouvé ses habituels embouteillages. Les habitants reprenaient le chemin du travail, tandis que des magasins étaient ouverts.

Des axes de la capitale restaient contrôlés par des chars de l'armée, et le gouvernement a annoncé que les mosquées seraient désormais fermées en dehors des heures de prières, pour tenter d'éviter les rassemblements pro-Morsi.

Premier président démocratiquement élu du pays, M. Morsi était accusé par ses détracteurs et des millions de manifestants d'avoir accaparé le pouvoir au profit des islamistes et d'avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.