Au lendemain du bain de sang, l'Égypte comptait toujours ses morts hier. Le bilan s'élève maintenant à près de 600 morts et au moins 3000 blessés. La communauté internationale retient son souffle alors qu'un grand rassemblement de la colère est prévu aujourd'hui.

«Les défilés contre le coup d'État demain (vendredi) partiront de toutes les mosquées du Caire et se dirigeront vers la place Ramses après la prière pour un «vendredi de la colère», a précisé un porte-parole des Frères musulmans, Gehad El Haddad, sur son compte Twitter.

Hier, les affrontements se sont poursuivis au Caire, même si une certaine accalmie a été observée après la sanglante répression des manifestations favorables au président islamiste Mohamed Morsi, destitué le 3 juillet par l'armée.

Une attaque attribuée à des islamistes contre le siège de la province de Guizeh a fait neuf morts parmi les forces de l'ordre. De leur côté, des islamistes ont affirmé que des policiers ont tiré des gaz lacrymogènes dans une mosquée où s'entassaient les dépouilles de dizaines de manifestants pro-Morsi.

Selon un dernier bilan du ministère de la Santé, 578 personnes ont péri depuis mercredi, dont 535 civils. «La tension reste palpable et le restera pour plusieurs jours, reconnaît Miloud Chennoufi, spécialiste du Moyen-Orient et professeur au Collège des Forces canadiennes. Le nombre de morts est tellement élevé, le retour à la normale ne peut pas se faire du jour au lendemain.»

«Il faut donner à l'état d'urgence une quinzaine de jours, mais si on dépasse un mois, la spirale de la violence serait interminable», soutient Sami Aoun, directeur de l'Observatoire sur le Moyen-Orient à la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.

Les experts demeurent toutefois pessimistes pour les prochaines semaines. «Dès qu'il y a du sang qui coule, personne ne veut en prendre la responsabilité et la meilleure façon de le faire est de rejeter la responsabilité sur l'autre. Ça ne facilite pas le rapprochement», indique M. Chennoufi. «À court terme, c'est plutôt l'option de la main forte qui va l'emporter, mais il y aura un retour aux élections à moyen terme.»

M. Aoun croit que seule une troisième voix pourrait mettre fin à la polarisation entre les institutions militaires et les islamistes. «Cette voix doit sortir de la société civique, des jeunes du Printemps arabe», précise-t-il avant d'ajouter que ce processus pourrait prendre encore plusieurs années.

Pressions internationales

À New York, les 15 pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont tenu des consultations d'urgence. Le conseil a déploré «les pertes humaines» et a invité les partis en Égypte à faire preuve d'un «maximum de retenue».

«La communauté internationale, même si elle n'est pas très à l'aise avec les Frères musulmans, ne peut pas tolérer ce qui s'est passé mercredi, c'était un véritable massacre», souligne M. Chennoufi.

Plus tôt en journée, le président américain Barack Obama avait condamné «avec force» la répression sanglante et estimé que l'Égypte était sur une «voie dangereuse».

La présidence égyptienne a répondu en soirée que cette déclaration «non basées sur des faits» risquait plutôt d'encourager les groupes violents.

De son côté, le Canada a annoncé la fermeture de son ambassade en Égypte.

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En chiffres

Avant l'assaut de mercredi, les heurts en marge de manifestations pro et anti-Morsi avaient fait plus de 300 morts depuis la fin-juin.

578 personnes ont péri mercredi, dont 535 civils.

51,73 %

Mohamed Morsi avait été élu avec 51,73 % des voix en juin 2012.

368

Nombre de jours où M. Morsi a dirigé le pays.