L'Égypte devrait vivre une journée test pour le premier vendredi du mois sacré de ramadan, qui doit être l'occasion, dans un climat de tension persistante, de nouvelles manifestations des partisans et opposants de Mohamed Morsi, le président déchu.

Jeudi, dans un court entretien à l'AFP, le nouveau Premier ministre Hazem Beblawi a affirmé ne pas exclure une participation des Frères musulmans, dont est issu M. Morsi, au gouvernement qu'il s'efforce de former.

«Jusque-là je n'ai contacté personne», a relevé par téléphone M. Beblawi, expliquant vouloir identifier les meilleurs candidats sur «deux critères»: «l'efficacité et la crédibilité».

«Je ne me préoccupe pas de l'appartenance politique», a encore assuré cet ancien vice-premier ministre et ministre des Finances de la première période de transition, en 2011.

Il a relayé l'offre déjà évoquée par la présidence intérimaire: si «quelqu'un est proposé par le Parti de la liberté et de la justice (PLJ, bras politique des Frères musulmans) et que cette personne est qualifiée», sa nomination pourra être envisagée.

Cette tentative de main tendue a toutefois été rejetée dès mercredi par la confrérie, qui a écarté toute possibilité de pactiser «avec des putschistes».

«Nous continuerons notre protestation pacifique jusqu'à la fin du coup militaire et le retour à la légitimité», a encore commenté jeudi sur internet le porte-parole des Frères musulmans, Ahmed Aref, donnant rendez-vous pour le premier vendredi du ramadan.

Plus d'une semaine après le renversement par l'armée de Mohamed Morsi, à la suite de manifestations massives, les deux camps restent mobilisés.

Les anti-Morsi ont aussi prévu un rassemblement vendredi pour la rupture du jeûne, sur la place Tahrir du Caire.

Depuis mercredi, après le coucher du soleil, les manifestants pro-Morsi se retrouvent eux devant la mosquée Rabaa al-Adawiya du Caire, dans le quartier de Nasr City, et prient pour le retour de leur «président», promettant de rester mobilisés.

À ce jour, Mohamed Morsi se trouve «en lieu sûr, pour son propre bien», et il ne fait «l'objet d'aucune poursuite», d'après les autorités.

Une centaine de personnes ont été tuées depuis que l'ex-chef de l'État, accusé d'avoir trahi la révolution, de mauvaise gestion et de ne servir que les intérêts de sa confrérie, a été déposé, le 3 juillet.

De nouvelles violences ne sont pas à exclure, quelques jours après les heurts sanglants qui ont fait 53 morts et plusieurs centaines de blessés lors d'une manifestation pro-Morsi devant le siège de la Garde républicaine.

Dénonçant un «massacre», les Frères musulmans avaient appelé au «soulèvement».

La défiance des islamistes à l'égard des nouvelles autorités a été renforcée mercredi par le lancement d'un nouveau mandat d'arrêt contre le Guide suprême, Mohamed Badie, et d'autres responsables de la confrérie, recherchés pour incitation à la violence en lien avec les graves incidents de lundi.

Quelque 200 personnes ont en outre déjà été inculpées, parmi les 650 interrogées. Elles sont accusées d'avoir voulu forcer l'entrée du site militaire.

Hors du Caire, un chrétien d'Égypte (Copte) a été retrouvé mort jeudi, décapité, dans le Sinaï. D'après une source de sécurité, il avait été enlevé par des «groupes extrémistes» samedi dernier, le jour même où un prêtre copte a été tué par des hommes armés.

Le Sinaï (nord-est) connaît des problèmes de sécurité récurrents depuis la chute de Hosni Moubarak en 2011, et ceux-ci pourraient s'aggraver avec la crise actuelle.

Sur le terrain politique, la tâche du nouveau chef du gouvernement s'annonce particulièrement ardue.

La première mission de Hazem Beblawi, 76 ans, est de maintenir sur les rails le processus de transition politique édicté par le président intérimaire Adly Mansour, qui prévoit notamment l'adoption d'une nouvelle Constitution et la tenue de législatives d'ici début 2014.

Ce cadre institutionnel a là aussi été rejeté par les islamistes, et il est critiqué par les laïcs anti-Morsi, qui ont promis de présenter des amendements.

À l'étranger, les États-Unis, un important soutien financier de l'Égypte - et en particulier de son armée -, ont pour leur part indiqué jeudi qu'ils allaient poursuivre la livraison de chasseurs F-16, achetés par l'Égypte en 2010.

Mardi, après avoir exprimé ses craintes des violences, Washington avait dit être «prudemment encouragé» par le calendrier des élections.