La justice égyptienne a ordonné mercredi l'arrestation du Guide suprême des Frères musulmans, après les violences meurtrières de lundi au Caire, ajoutant à la tension prévalant depuis l'éviction il y a une semaine du président islamiste Mohamed Morsi, lequel se trouve «en lieu sûr» selon les autorités.

Parallèlement, le nouveau Premier ministre, Hazem Beblawi, devait entamer des consultations pour former un gouvernement, afin de maintenir le processus de transition politique sur les rails malgré le lourd climat de défiance entre le camp des laïcs anti-Morsi et les partisans de l'ex-président.

Dans la rue, les deux camps restaient, eux, fortement mobilisés. Dans la soirée, après la rupture du jeûne, au premier jour du ramadan, des milliers de personnes ont rejoint les pro-Morsi qui manifestent depuis 15 jours devant la mosquée Rabaa al-Adawiya du Caire, dans le quartier de Nasr City, a constaté un journaliste de l'AFP.

Ils ont prié pour les morts de lundi et ont promis de poursuivre le mouvement jusqu'au retour de leur «président».

«J'ai voté pour lui et je dois savoir où il se trouve», a déclaré à l'AFP Mohammed, 47 ans.

Après plusieurs jours sans la moindre communication à ce sujet, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a affirmé à des journalistes que Mohamed Morsi, arrêté dans la foulée de sa destitution, se trouvait «en lieu sûr, pour sa propre sécurité».

«Il est traité dignement» et ne fait «pour l'heure l'objet d'aucune poursuite», a-t-il ajouté.

Une centaine de personnes ont été tuées depuis que l'ex-chef de l'État a été déposé le 3 juillet par l'armée, après des manifestations massives.

Mercredi, le procureur général a ordonné l'arrestation du Guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badie, et d'autres hauts responsables de la confrérie, pour incitation à la violence en lien avec les heurts sanglants survenus deux jours plus tôt devant le siège de la Garde républicaine au Caire, a-t-on indiqué de source judiciaire.

M. Badie, qui était apparu publiquement vendredi dernier pour exhorter les partisans de M. Morsi à rester mobilisés «par millions», était déjà sous le coup d'un autre mandat d'arrêt.

D'après des sources judiciaires, 200 personnes  parmi les 650 interrogées pour avoir voulu forcer l'entrée du site militaire - ont par ailleurs été inculpées mercredi, notamment pour «meurtre».

Survenus à l'aube, durant une manifestation de partisans de Mohamed Morsi, ces heurts, les plus graves depuis le début de la crise, ont fait 53 morts et 480 blessés, selon le ministère de la Santé.

La confrérie, qui a appelé au «soulèvement» après ce «massacre», a accusé des soldats et des policiers d'avoir ouvert le feu sans aucune raison. L'armée a assuré avoir répliqué à une attaque de «terroristes armés».

Amnesty International (AI) et un collectif de 15 ONG locales ont pour leur part critiqué un usage «disproportionné» de la force, et réclamé une enquête indépendante.

Sur le terrain politique, le nouveau Premier ministre  dont la nomination mardi soir a été accompagnée de celle du prix Nobel Mohamed ElBaradei à un poste de vice-président - devait tenter de former dans les meilleurs délais un gouvernement.

Hazem Beblawi, 76 ans, vice-premier ministre et ministre des Finances en 2011 durant la première période de transition post-Moubarak, a la lourde tâche d'oeuvrer à la réconciliation et de redresser une économie au bord de la faillite.

La présidence a indiqué que M. Beblawi allait proposer «quelques postes» aux Frères musulmans, mais cette tentative de main tendue a été sèchement rejetée par la confrérie.

«Nous ne pactisons pas avec des putschistes. Nous rejetons tout ce qui émane de ce coup» militaire, a dit à l'AFP Tareq al-Morsi.

La confrérie a également dénoncé le plan de transition présenté par le président par intérim Adly Mansour.

Ce cadre institutionnel provisoire prévoit, entre autres, l'adoption d'une nouvelle Constitution et la tenue de législatives d'ici début 2014. Dans l'attente, le pouvoir législatif reste entre les mains du président par intérim.

Le Front de salut national (FSN), une coalition laïque, et le mouvement Tamarrod, à l'origine des manifestations de masse ayant abouti à l'éviction du président Morsi, ont eux-mêmes émis des critiques.

La coalition proposera ses «propres amendements», a indiqué le FSN.

Les États-Unis, dont le soutien financier à l'Égypte - et en premier lieu à son armée - avoisine les 1,5 milliard de dollars par an, ont dit être «prudemment encouragés» par le calendrier des élections.

Après les Émirats et l'Arabie saoudite, le Koweït a annoncé mercredi avoir accordé une aide de quatre milliards de dollars au Caire, portant à 12 mds USD le montant de l'assistance de ces trois pays du Golfe depuis l'éviction de Mohamed Morsi.