La justice égyptienne a invalidé dimanche le Sénat, qui assume le pouvoir législatif en l'absence d'Assemblée, ainsi que la commission qui a rédigé la Constitution, sapant la légitimité des islamistes au pouvoir et ouvrant une nouvelle période d'incertitude politique.

La présidence a réagi en affirmant que le Sénat - un organisme historiquement sans pouvoir propulsé dans un rôle législatif lorsque l'Assemblée du peuple a été dissoute sur décision de justice - continuerait de légiférer dans l'attente de nouvelles élections législatives, et que la loi fondamentale était intouchable.

La Haute cour constitutionnelle avait plus tôt jugé non constitutionnelle la loi ayant régi l'élection du Sénat, ainsi que les critères de sélection des membres de la commission constituante, qui a rédigé une loi fondamentale controversée, adoptée en décembre par référendum.

Le président de la cour, Maher al-Beheiry, a affirmé que le Sénat pouvait rester en place jusqu'à l'élection d'un nouveau Parlement.

Plusieurs plaintes faisant état d'irrégularités dans le mécanisme électoral avaient été déposées contre le Sénat et contre la commission constituante, dominés par les islamistes. La commission avait même été boycottée par les libéraux, la gauche et les représentants de la communauté chrétienne.

«Le Conseil consultatif (Sénat, ndlr) continue d'exercer son rôle législatif entier (...) jusqu'au transfert du pouvoir législatif à une nouvelle Assemblée», a affirmé la présidence dans un communiqué.

«Protéger et respecter (...) la Constitution sur laquelle le peuple a été consulté et qui a été approuvée par la majorité (...) est le devoir de tous les pouvoirs de l'État», a-t-elle ajouté.

La décision de la cour ouvre une nouvelle période d'incertitude politique en Égypte et jette une ombre sur la légitimité du Sénat et de la commission, que le président islamiste Mohamed Morsi avait vantés comme des modèles de la nouvelle démocratie égyptienne.

La Constitution a été au coeur d'une bataille acharnée entre les partisans de M. Morsi et ses opposants, qui dénonçaient notamment la tonalité islamiste du texte.

Le conflit avait débordé dans les rues et provoqué la pire crise politique depuis la chute de Hosni Moubarak début 2011 après une révolte populaire.

Des hommes politiques ayant boycotté la commission constituante ont dit se sentir confortés dans leur position.

Cet arrêt «prouve que notre décision de ne pas y participer était la bonne», a dit l'opposant Amr Hamzawy, en appelant à une révision de la Constitution.

«Il est temps d'amender de manière radicale cette Constitution entachée, rédigée par une commission invalide», a-t-il ajouté.

«Retour à la case départ : le Sénat et la commission constituante déclarés inconstitutionnels. Un consensus sur un nouveau cadre constitutionnel est la seule issue», a renchéri l'opposant et Prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei.

Ahmed Ramy, porte-parole du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ) des Frères musulmans, a estimé que le Sénat devrait continuer à travailler «pour ne pas créer de vide législatif».

Mais selon Mustapha Kamel al-Sayyed, professeur de sciences politiques à l'Université du Caire, «le Sénat doit s'abstenir de faire passer toute législation, parce que ces lois seraient ensuite contestées, étant donné que le Sénat a été jugé invalide».

Le fait que le Sénat reste en place jusqu'aux prochaines élections est un geste de «conciliation» de la part de la Cour, a-t-il estimé.

Dans tous les cas, «c'est une crise pour le président Morsi et une crise pour les Frères musulmans, parce qu'ils voulaient utiliser le Sénat pour faire passer plusieurs lois qu'ils craignent de ne pas pouvoir faire passer par un prochain Parlement», a-t-il affirmé.

De nouvelles élections législatives sont attendues au plus tôt à l'automne. La Cour constitutionnelle a récemment rejeté la loi devant les régir au motif qu'elle n'était pas conforme à la Constitution, la renvoyant devant le Sénat pour qu'elle soit réécrite.