Grèves, manifestations, spectacles annulés : des artistes et intellectuels égyptiens dénoncent ce qu'ils considèrent comme une volonté d'emprise des islamistes proches du président Mohamed Morsi sur les institutions culturelles du pays.

Dernier épisode en date, des manifestants ont défilé jeudi soir en scandant «à bas le pouvoir des Frères musulmans» et réclamant la démission du ministre de la Culture Alaa Abdel Aziz, considéré comme proche de la confrérie même s'il n'en fait pas formellement partie.

Le cortège de 100 à 200 personnes est parti de l'Opéra du Caire, institution phare de la vie culturelle égyptienne, où les représentations sont suspendues depuis mardi dernier en raison d'un mouvement du personnel consécutif au limogeage de sa directrice, Inas Abdel Dayem.

Cette situation traduit un malaise grandissant dans les milieux culturels depuis l'élection il y a un an du président Morsi, régulièrement accusé par ses opposants de chercher à placer ses amis Frères musulmans dans tous les rouages du pays.

Le renvoi récent d'une figure du ministère de la Culture, le chef du département des Beaux-Arts Salah al-Meligui, et celui du chef de l'Organisation générale du livre égyptien, Ahmed Mohaged, ont renforcé ces craintes.

Mercredi, le secrétaire général du Conseil suprême de la culture, Saïd Tewfik, a annoncé qu'il remettait sa démission pour dénoncer «les tentatives de "frèrisation"» de ce ministère, traditionnellement très influent en Égypte.

Selon le chef d'orchestre Naïr Nagui, qui a rencontré le ministre de la Culture, ce dernier «n'a donné aucune raison» pour les récents limogeages.

«Il ne fait qu'exécuter un programme», assure le musicien. «Les Frères savent qu'il ne leur sera pas facile de diriger le pays avec autant d'intellectuels dans l'opposition, c'est pourquoi ils veulent les exclure du ministère», estime-t-il.

Pour l'écrivain Helmy el-Namnam, «les Frères musulmans pensent qu'en contrôlant le ministère de la Culture ils vont contrôler la culture égyptienne elle-même, ce qui est un non sens».

Le ministre s'est jusqu'à présent montré avare de commentaires, mais a toutefois affirmé que ces limogeages visaient à apporter du «sang neuf» à son administration.

Un porte-parole des Frères musulmans, Ahmed Aref, a réfuté ces accusations, assurant que la confrérie ne cherchait pas à dominer le secteur culturel.

«Nous voulons la liberté pour tous et nous ne refusons pas la diversité, elle existe également dans notre mouvement», a-t-il affirmé à l'AFP.

Le conflit avec les artistes s'ajoute à de nombreux autres en cours ou latents dans des secteurs aussi divers que la justice, la presse ou encore la police, sur le thème de l'islamisation des institutions publiques et privées.

Il survient dans un climat de graves difficultés économiques et de montée de l'insécurité, qui pèsent sur la présidence de M. Morsi, à quelques semaines du premier anniversaire de son accession au pouvoir.