Depuis des mois, la rumeur le disait malade et déprimé, voire mourant. À leur grande surprise, les Égyptiens ont revu leur ancien président Hosni Moubarak souriant et plein de défi à son nouveau procès samedi, eux qui jusqu'alors ne se souciaient que peu de son sort.

L'ancien homme fort du pays, qui aura 85 ans en mai, a été condamné à la réclusion à perpétuité en première instance, mais le verdict a été annulé par la Cour de Cassation. Il se trouve aujourd'hui en détention dans un hôpital militaire du Caire.

D'après ses avocats et des rapports officiels, il a été soigné pour des problèmes cardiaques, des côtes cassées, une dépression et de l'hypertension. L'an dernier, l'agence officielle Mena l'avait même donné pour «cliniquement mort».

Sa présence au tribunal samedi, au côté de son ancien ministre de l'Intérieur et de six ex-responsables de la sécurité poursuivis pour complicité dans le meurtre et tentative de meurtre de centaines de manifestants du 25 au 31 janvier 2011, n'était donc pas certaine.

Mais M. Moubarak s'est bien rendu devant le juge. Assis bien droit dans le box, le regard caché par des lunettes de soleil, il a souri et salué de la main ses partisans, conversant avec ses fils Alaa et Gamal, jugés tout comme lui pour corruption.

«Je m'attendais à voir un vieil homme malade et à être désolée pour lui. Mais les images de lui souriant et agitant la main étaient tellement provocatrices», a déclaré Heba Radwan, une habitante du Caire.

Le comportement de l'ex-président samedi était radicalement différent de son attitude à l'ouverture de son premier procès en août 2011, lorsqu'il était resté allongé sur une civière, pâle et visiblement courroucé de se retrouver dans le box grillagé.

«Moubarak au top de sa forme», constatait dimanche le quotidien gouvernemental Al-Akhbar.

«J'étais furieux quand je l'ai vu dans le box», a dit Ahmed al-Sayyed, qui travaille dans un café du Caire. «Je l'avais oublié. Je n'ai pas même regardé le procès en direct. Mais quand je l'ai vu plus tard à la télévision, je n'arrivais pas à croire à cette provocation».

En janvier, la Cour de Cassation a annulé pour vices de procédure les verdicts de juin 2012 contre M. Moubarak et ses coaccusés et ordonné un nouveau procès.

L'ancien ministre de l'Intérieur Habib al-Adli avait aussi été condamné à la réclusion à perpétuité, mais les six ex-responsables de la sécurité avaient été acquittés, ce qui avait provoqué la colère de nombreux Égyptiens et des manifestations.

L'actuel chef d'État Mohamed Morsi avait promis de nouveaux procès pour les responsables de l'ancien régime impliqués dans la mort de manifestants, y compris M. Moubarak.

Mais le sort de l'ancien dirigeant a été éclipsé par l'instabilité.

L'Égypte, dirigée pour la première fois par un islamiste issu des Frères musulmans, la bête noire de M. Moubarak, vit une profonde crise politique et économique. Elle est aussi le théâtre d'affrontements meurtriers entre manifestants et policiers et de violences confessionnelles.

M. Moubarak ayant longtemps prévenu que le chaos menaçait s'il quittait le pouvoir, son attitude au tribunal s'expliquerait pour certains par son triomphalisme face à la situation.

«Merci les gars», disait en Une le quotidien indépendant prorévolution Al-Tahrir, un jeu de mots, car la même expression peut aussi se traduire par «Merci la confrérie», en référence aux Frères musulmans du président Morsi.

«La révolution se débat, Moubarak sourit», titrait de son côté le quotidien indépendant Al-Chourouq.

Une caricature dans Al-Tahrir montre le juge demandant à l'ancien président où est son avocat. «Pourquoi aurais-je besoin d'un avocat? Morsi, Dieu le bénisse, a fait ce qu'il fallait», répond M. Moubarak.